Banque
Combien ça coûte, où trouver l’argent ? La transition vers le développement durable demande de l’argent, bien sûr, et de nombreuses résistances au changement utilisent cet argument. La mobilisation du secteur financier est donc un impératif. Comment intéresser les banques au développement durable ?
La première constatation est que cet argent, nous l’avons déjà. Il est juste mal employé, et la question est de l’orienter différemment. Un exemple pratique peut être trouvé dans la gestion quotidienne des espaces publics dans les villes.
Le passage au « zéro phyto », l’abandon des produits phytosanitaires, s’est réalisé dans beaucoup de villes à budget constant, voire en diminution comme le contexte des finances locales d’exige parfois. Un personnel mieux formé, motivé, des choix d’aménagement et de plantations plus judicieux, une sensibilisation des habitants, voilà de nouvelles dépenses qui remplacent l’achat et l’épandage d’herbicides et autres pesticides. Une autre allocation de l’argent, et pas de « surcoût ». On peut développer l’exemple dans la construction. Une conception performante, une meilleure écoute des besoins et une compréhension des modes de vie, une réalisation rigoureuse, et les économies de fonctionnement équilibreront et au-delà les dépenses nouvelles.
Cette observation ne suffit pas. Comment expliquer que les milliards d’euros ou de dollars soient encore investis dans la recherche de nouveaux gisements de pétrole, alors que nous savons que nous ne devrons pas utiliser toutes ces réserves, et qu’il faut fortement réduire notre consommation d’énergie fossile ? Il faut bien l’avouer : nous ne sommes pas parvenus à sensibiliser les milieux financiers. Peut-être le « court-termisme » est-il l’explication, mais c’est aussi parce que ces questions étaient en dehors de leur système de pensée, tout simplement. Le monde de la finance a sa propre culture, ses repères, et ceux de l’écologie n’y figurent pas.
Les choses sont en train de changer. Le risque climatique émerge progressivement. Les dépenses liées aux dégâts des évènements climatiques extrêmes se remarquent, 43 milliards de dollars en 2013. Et elles se répètent. Les célèbres fonds de pension, qui voient dans la durée pour rassurer les retraites, s’interrogent. En mai 2015, s’est tenu à Paris un « Climate Finance Day », point fort de la Climate Week. Question posée : comment orienter des milliards de dollars vers des secteurs « friendly » pour le développement durable.
Ce n’était pas la première fois que la question était posée. A la suite de la conférence RIO+20, en 2012, un « Comité international d’experts sur le développement durable » est créé. Encore plus tôt, en conclusion de la conférence de Copenhague (1), en 2009, il fut décidé que les pays riches apporteraient chaque année, de 2020 à 2100, 100 milliards de dollars aux pays en développement pour lutter contre le dérèglement climatique. Des milliards qu’il faut bien trouver, argent public pour une part, mais financement privé aussi. La prochaine Conférence des parties, la COP 21 qui se tiendra en décembre à Paris, se doit d’apporter des éléments de réponse à cette approche financière. Un rapport (2) remis le 18 juin dernier au Président de la République propose quelques pistes dans ce sens. Il s’agit de faire prendre en considération le réchauffement climatique dans les prévisions à long terme, ce qui ne se fait guère aujourd’hui, par exemple en demandant à des institutions financières telles que le Conseil de stabilité financière (3), d’évaluer les risques que fait courir le dérèglement climatique à la stabilité financière. Les auteurs du rapport observent que le risque climatique est le plus souvent absent des prévisions des grandes institutions comme le FMI. C’est en définitive une sorte de révolution culturelle du monde de la finance qui est proposée, et pour cela toutes les bonnes idées sont bonnes. Introduire le risque climat dans les « crash tests » des banques est une autre voie à explorer, pour prendre un exemple. La loi sur la transition énergétique comprend dans son article 48, des mesures à destination des entreprises, banques, investisseurs privés et publics en faveur de la finance bas-carbone. L'analyse des risques financiers liés aux changements climatiques et les mesures que prend l'entreprise pour les réduire devront désormais figurer dans le rapport du président du conseil d'administration.
La mobilisation de l’épargne des particuliers est le complément de l’action auprès des entreprises et des grandes institutions financières. Quelques banques mettent sur le marché de l’épargne des produits « verts », pour les investisseurs privés. La question de la reconnaissance de ces produits, comme authentiquement bons pour le climat ou le développement durable est posée, pour éviter des dérives ou des obligations faussement vertes. L’association La Fabrique écologique (4) propose une forme de labellisation des produits d’épargne verte.
Le nerf de la guerre est souvent cité dans les discours sur l’environnement et le développement durable, mais souvent en termes méfiants ou défavorables. Comment inverser la tendance et le mobiliser en faveur de la transition écologique ? Le mouvement est en marche, et le risque de « rien faire » en est le moteur principal. Mieux vaut tard que jamais…
1 - 15e conférence des parties (COP 15) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
2 - Mobiliser les financements pour le climat. Une feuille de route pour financer une économie décarbonée. Rapport de la commission Pascal Canfin – Alain Grandjean, juin 2015
3 - Le Conseil de sécurité financière a été créé par le G20 en 2009. Son secrétariat est situé à Bâle.
4 - http://www.lafabriqueecologique.fr/
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