Smart Cities et e-coop : de la schizophrénie à la réconciliation ?
Utopies ou dystopies, nouveaux printemps des peuples urbains ou nouvelles formes d’oppression urbaines excessivement mercantiles – l’environnement numérique des villes nourrit les fantasmes. Autour des Smart Cities, les aficionados de la Datapolis et de la Creapolis (Francis Pisani) s’affrontent de manière plus ou moins feutrée, dans un débat dont les termes sont à peine formulés qu’ils deviennent aussitôt caducs au regard des progrès des technologies numériques.
Tandis qu’une certaine vision – très « techno » – de la Ville Intelligente met l’accent sur l’optimisation des flux et réseaux et de l’énergie, grâce au monitoring en temps réel et au « crunch » des « data », la perte de considération ou de pouvoir qui peut en être le corolaire pour le citoyen alarme. Mais les NTIC permettent aussi de renforcer le rôle des citoyens, la ville durable supposant de leur proposer des espaces et des systèmes pour s’impliquer. Comme le fait la Ville de Montréal avec son Bureau de la Ville Intelligente et Numérique (BVIN) qui anime « la co-création de solutions numériques avec la communauté ».
Cependant, une source essentielle de questionnent pour les gestionnaires traditionnels de nos villes, n’est-elle pas que ces deux versants de la Ville Intelligente, tantôt s’affrontent mais plus souvent se combinent, au gré d’initiatives qui de fait échappent à toute planification, émanent des acteurs du secteur privé autant que des citoyens eux-mêmes, et évoluent à une vitesse vertigineuse en comparaison des changements induis sur les meurs et usages, le service public, les administrations, nos représentants politiques ?
Certes il ne peut y avoir de Deus Ex Machina derrière la Smart City. Certes le phénomène de la blockchain promet à assez court terme, une redistribution des cartes en forme de révolution, en permettant au numérique de parachever l’horizontalisation et la désintermédiation dont le Net faisait la promesse. En attendant, de très nombreux services y compris ultra-locaux, recourent in fine aux solutions des GAFA, multinationales hors-sol dont l’action pour façonner nos territoires est tout aussi déterminante que celle de nos administrations.
Et le casse-tête ne s’arrête pas là, chacun de nous étant tour à tour observateur attentif ou désabusé, acteur ou ignoré de ces changements, mais toujours un peu schizophrène en définitive : nous souhaitons à tout prix garder la main sur nos données personnelles, mais sommes toujours prêts à en faire le « don », en échange d’un meilleur « service »…
Les conséquences sont tellement inimaginables qu’il est vain de faire des pronostics, cependant comme lors de toute transition des opportunités sont à saisir, qui permettent d’optimiser l’utilité sociétale, écologique et économique du numérique. Ainsi des coopératives numériques ou « e-coop », formes d’écocitoyenneté renouvelées et visages d’un empowerment numérique local volontaire et autodéterminé. Une piste peut-être, dans une France mondialisée attachée à ses 36000 clochers : pourquoi ne pas accompagner davantage le développement de SEM du numérique, plus participatives, s’inspirant de ces initiatives tout en imaginant de nouveaux business-models ?
Adrien PONROUCH
Directeur Conseil Associé
ACT&DO
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