Hors jeu
Début juillet, en remportant deux parcs de l'appel d'offres néer¬landais pour l'éolien offshore au prix de 72,70 €/MWh, le danois Dong Energy a fait la Une des journaux qui rivalisèrent pour saluer un "coup de tonnerre", un "milestone", un "record" ... Un nouveau seuil a effectivement été franchi dans l'histoire de l'éolien offshore, passant pour la première fois sous la barre fatidique des 100 €/MWh !
Cette information est pour la France un triple carton jaune. Un avertissement sur ce qui est désormais le prix plancher du marché alors que chez nous les derniers appels d'offres d'éoliennes en mer ont été attribués à environ 200 €/MWh ; un avertissement sur la faiblesse de l'offre industrielle hexagonale, puisqu'aucun Français ne participait à la compétition aux Pays-Bas qui vit pourtant s'affronter 38 entreprises de renom ; un avertissement enfin sur l'instruction des dossiers lorsque l'on sait que les deux sites éoliens néerlandais offshore devront être mis en service dans un délai de quatre ans, alors qu'il en faudra sans doute dix, en France, avant que les parcs alloués en 2012 et 2014 voient le jour ...
Quels enseignements en tirer?
Dans Les Echos (1), Vincent Balès, patron de WPD Offshore France, analyse quatre raisons qui peuvent expliquer le succès de nos voisins : une politique de programmation sur cinq ans, un prix plafond qui baisse régulièrement, des études préalables, enfin, et surtout, l'obtention en amont des autorisations environnementales. « Cela permet d'accélérer la mise en œuvre du projet entre l'attribution et la construction, donc de réduire les risques portés par le lauréat », explique-t-il.
À l'inverse, chez nous, trois années ont été perdues pour la Zone de développement de l'éolien (ZDE) de Chigné en raison des recours, alors qu'elle avait été validée par la communauté de communes dès 2012 ... Il est à craindre que les trois premiers parcs français d'éoliennes en mer - un investissement de 2 à 2,5 milliards d'euros chacun - qui viennent de recevoir le feu vert de l'administration fassent l'objet à leur tour de recours et ne puissent fonctionner avant 2020.
Certes, il ne faut pas avoir l'esprit chagrin car, en France, les raccorde¬ments de parcs éoliens progressent, certes timidement, comme le montre la quatorzième édition de notre atlas annuel. « Mais ce début d'année met en exergue une stabilité sur un rythme d'environ 1 000 MW par an, inférieur à la trajectoire requise pour atteindre les objectifs de la Programmation pluriannuelle des investissements (PPI) », modère France énergie éolienne (FEE) dans un communiqué (2) récent. Reste que les années noires des années 2011-2013 semblent dépassées, et la France se situe au troisième rang des pays les plus dynamiques derrière la Pologne et l'indépassable Allemagne.
« Le football est un jeu très simple (. . .) mais, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent », avait déclaré l'attaquant anglais Gary Lineker dans une provocation désormais obsolète. Les Portugais, qui ont déjoué tous les pronostics de l'Euro, se révèlent aussi de sérieux challengers dans l'éolien, comme le montre la capacité installée dans le pays autant que la réussite de son prototype d'éolienne flottante qui fonctionne depuis cinq ans au large de la côte atlantique. Ils viennent directement concurrencer les innovations menées ailleurs en Europe. La partie n'est donc pas jouée, mais ne risquons pas le hors-jeu, car si notre pays ne manque ni d'atouts ni de talents, il faut savoir se battre pour rester parmi les champions.
1 - Article de V Le Billon dans l'édition du 7 juillet 2016.
2 - Pour atteindre les 15 GW prévus à horizon 2018 ou 24 GWen 2023, ce sont 1,5 GW qui doivent être raccordés chaque année à partir de 2016, comme le rappelle le communiqué de FEE du 11 juillet 2016.
Vincent Jacques Le Seigneur
Président de l'Observatoire des énergies renouvelables
www.energies-renouvelables.org
Edito de VJLS dans le joural de l'éolien n°20, juillet-aout 2016
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