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Du plus au mieux

Dans son ouvrage « Le climat après la fin du mois », l’économiste Christian Grollier nous dit que « depuis 1914, le pouvoir d’achat a augmenté d’environ 2% par an en Europe occidentale. Cela fait que nous consommons 50 fois plus de biens et de services que nos aïeux de la Belle Epoque ». Nous vivons plus vieux et en meilleure santé, mais sommes-nous 50 fois plus heureux que nos aïeux ? L’objectif recherché par les humains est de vivre mieux, en bonne santé, et longtemps si possible, ce qui a souvent été traduit par une augmentation de leurs consommations matérielles. Par souci de simplicité sans doute, parce que nous savons bien qu’une fois un niveau de référence atteint, il est difficile de manger toujours plus. Plus deviendrait trop, avec le coût que cela représente en termes d’obésité de diabète, et de qualité de vie de ceux qui en souffriraient. C’est dans le « mieux » qu’il faut chercher une forme de croissance, croissance qui se fera à base de talent humain et non de ressources nouvelles. Lesdites ressources seront elles aussi soumises à une exigence de qualité, et c’est toute une chaine de valeur qui est ainsi sollicitée pour progresser en qualité. Le PIB en sera ravi, sans que la planète en souffre.

Le défaut de la qualité est qu’elle est plus difficile à caractériser, à évaluer. C’est parfois par son contraire, la non-qualité, qu’il est possible de la mesurer, voire de la transformer en argent. La mauvaise qualité de l’alimentation coute cher, 10 milliards pour l’obésité, autant pour le diabète. Une facture payée par nous tous collectivement. Quand il s’agit d’une « passoire thermique », c’est l’habitant qui paye pour l’excédent d’énergie à acheter pour maintenir un niveau de confort minimum. Il faut y ajouter le prix payé par la collectivité du fait des rejets provoqués par ce surcroît de consommation, quote-part du coût de l’effet de serre, de la pollution locale, etc. La qualité permet d’éviter des coûts, mais cette économie est virtuelle et n’apparait pas dans les comptes financiers.

La difficulté de caractériser la qualité conduit à créer des labels ou différents systèmes de notation pour que les usagers ou consommateurs puissent se repérer. Démarche indispensable, mais souvent sujette à de nombreuses critiques, comme le risque d’enfermer la créativité dans un modèle figé, et de définir le « mieux » une fois pour toutes. C’est dans la conception de ces dispositifs que se trouve la réponse, avec des ouvertures ou des équivalences, des souplesses indispensables pour intégrer les progrès et les initiatives originales. Il faut aussi compter avec la résistance de certains producteurs, mécontents du classement de leurs produits, comme celle que l’on observe aujourd’hui sur le Nutri-Score.

Il faut dire qu’il est plus rassurant de ne parler que de quantité. En agriculture, pour rester dans le domaine de l’alimentation, le maintien en « naturels » de quelques pourcents d’un territoire permet d’augmenter la productivité de l’ensemble. A l’inverse, la mise en culture de ces terres, augmente la superficie cultivée mais réduit la production. En matière de travail aussi. Travailler plus ne signifie pas produire plus, contrairement au discours dominant. C’est évident sur une longue période : nous produisons beaucoup plus que nos aïeux, tout en travaillant moins. C’est que nous travaillons autrement, avec d’autres techniques, d’autres matériels, et aussi d’autres compétences. Le temps passé en formation est souvent mal perçu par les entreprises, qui voient leur personnel s’absenter, mais il est permis d’espérer que cette formation rend les intéressés plus performants. Travailler mieux, en comprenant la finalité de son travail, en étant motivé, en étant en mesure de prendre des initiatives, en confiance réciproque avec sa hiérarchie : c’est plus satisfaisant pour l’entreprise et pour son personnel, et la productivité s’en ressent. Réduire le débat au nombre d’heures de travail ne permet pas d’obtenir le meilleur.

Le nouveau mode de penser que représente le développement durable consiste notamment à passer d’une culture du plus à une culture du mieux. Mieux pour les humains, mieux pour la planète. Un double dividende bien plus intéressant que la course au « toujours plus ».

Edito du 30 octobre 2024

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