Auto
La mobilité, et plus précisément l’auto. Une question sensible de développement durable, aux multiples aspects. Chaussons de nouvelles lunettes pour observer ce phénomène.
Plus besoin de permis de conduire pour prendre une voiture. Vous pourrez aussi boire tout votre saoul au restaurant, et rentrer chez vous en bagnole. Un avenir radieux pour l’auto, mais ce ne sera pas la vôtre.
Ce sera celle de tout le monde. Vous pourrez l’emprunter comme vous empruntez le tramway, et vous n’aurez même pas à la conduire. C’est le projet VIPA, « véhicule individuel public autonome », électrique, sans chauffeur et à guidage Automatique, en préparation à Clermont-Ferrand et présenté au titre de la démarche EcoCités. Une démarche issue du Grenelle de l’Environnement et lancée en novembre 2009, pour susciter des "grands projets d’innovation architecturale, sociale et énergétique".
Les transports, ou plutôt la mobilité, voilà un dossier compliqué. Montré du doigt comme le mauvais élève de la lutte contre l’effet de serre, le secteur des transports peine à surmonter la contradiction bien connue : offrir plus de services en utilisant moins de ressources. Faire plus avec moins, équation centrale du développement durable, et qu’il convient de bien poser au départ. « Plus » s’applique au service rendu, au plaisir, au bien-être, et « moins » aux ressources primaires prélevées dans l’environnement, avec les effets que cela entraîne, notamment les rejets après usage . Les transports pas chers et efficaces ont transformé notre vie et nos villes. La production s’est affranchie des lieux de consommation, les emplois se sont éloignés des lieux de travail, les commerces ont quitté les centres-villes. Les personnes comme les marchandises circulent de plus en plus.
La première réponse est d’améliorer la performance des véhicules, et on peut encore gagner de ce côté-là. Mais ces gains sont vite repris par la croissance de la demande, ou par des besoins nouveaux de confort et de sécurité. On parle aussi de l’effet « rebond » : les facilités nouvelles offertes par le progrès provoquent de nouvelles envies, qui semblent accessibles du fait même des progrès. C’est une course à l’échalote qui est ainsi engagée, sans bénéfice pour l’effet de serre, et parfois même avec une aggravation. Cette piste est nécessaire mais pas suffisante.
A l’autre bout du panorama, il y a le vélo, la marche, les circulations douces. Idéal pour la mobilité de proximité, et pour la Santé car, vous le savez bien, il faut bouger ! Il faut que la ville soit accueillante pour les adeptes de la mobilité douce. De l’aménagement de longue haleine, entrepris dans de nombreuses villes mais il reste beaucoup à faire pour assurer la cohabitation de plusieurs modes de déplacement.
Une autre réponse traditionnelle est l’offre de transports en commun. Elle fonctionne bien en zone urbaine, dense, mais ne répond pas à tous les besoins, à tous les modes de vie. La voiture individuelle s’est fait une place dans nos sociétés, qu’il serait bien léger de négliger. C’est comme la maison individuelle, pas toujours idéale pour les économies d’énergie, mais plébiscitée d’une large partie de la population. Mieux vaut lui trouver un nouvel avenir que de vouloir l’éradiquer, en pure perte.
C’est par l’usage de l’auto que progressent les idées neuves. Un cheminement chaotique, influencé par les nombreux aspects de la question, pratique, psychologiques, économiques, industriels, juridiques, etc. Depuis l’expérience dénommée PRAXITELE, à St Quentin en Yvelines au milieu des années 1990, il est passé beaucoup d’électricité sous les ponts, embarquée dans des véhicules de toute nature.
Le libre service se développe, souvent associé au véhicule électrique. La Rochelle est célèbre pour son rôle de pionnier en la matière, mais bien d’autres villes peuvent être citées. Antibes qui a lancé Cité VU en 2007, Marseille avec WATT mobile arrivé à la gare St Charles début 2010, ou Nice avec Auto Bleue, opération plus récente, née en avril 2011, et qui vient de fêter son millième abonné, en attendant Paris et Autolib, que le public découvre actuellement dans la presse. De nombreux programmes de recherche ont permis de résoudre des problèmes épineux de gestion des flux pour assurer une voiture proche de chez vous en réponse à votre demande, pour les réservations, pour le suivi des véhicules, etc.
Les voitures se sont aussi remplies grâce au covoiturage. Au début, quelques grandes entreprises ont joué un rôle pilote, comme Nestlé et Disneyland. La direction des ressources humaines pouvait mieux que quiconque assurer le lien entre les « covoitureurs » potentiels. Puis Internet a ouvert de nouvelles perspectives, et permis de grands progrès. Dans sa livraison du 22 septembre 2011, pour la semaine européenne de la mobilité, Actu-environnement.com a dénombré 78 sites de covoiturage, avec plus d’un million d’abonnés. Les gares d’Ile-de-France aussi se sont mises à l’heure du covoiturage. La SNCF Transilien avait lancé en septembre 2009 un système d'incitation au covoiturage vers les gares. Bonne idée de se grouper pour aller (et retour) à la gare, et ne pas avoir de problème de parking pour prendre le train. Un millier de covoitureurs ont pu ainsi entrer en contact. Pour accélérer le mouvement, (plus 100 000 Franciliens qui utilisent tous les matins leur voiture pour aller prendre leur train, sont concernés), des écrans installés dans les gares vont être testés. Ils indiquent en temps réel les Offres et les demandes de covoiturage.
On le voit, il y a mille manières d’utiliser l’auto, et ça ne fait que commencer. Et c’est par l’usage que les choses changent. La relation que l’automobiliste entretien avec sa voiture est en train d’évoluer. Du côté des professionnels, le Directeur général du Centre d’Analyse Stratégique, Vincent Chriqui, nous confirme que « le nouveau partage de la chaine de valeur » ouvre des perspectives nouvelles(1). Les temps sont murs pour que ce soit le service rendu qui devienne la référence, et non la propriété et le prestige qui lui est attaché. On va ainsi s’apercevoir que l’automobiliste est aussi un piéton, un cycliste ou un usager des transports en commun. Le plus malin, c’est celui qui utilise « the right mode at the right place ».
1 - Dans son avant propos au rapport Les nouvelles mobilités - Adapter l’automobile aux modes de vie de demain de novembre 2010
Chronique mise en ligne le 10 octobre 2011
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