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Politique

Lobby

Les lobbys ont bon dos. Ce sont eux qui retardent les réformes dont nous aurions bien besoin, qui bloquent les mesures incontournables pour sauver la planète, qui sacrifient sans vergogne les intérêts communs à des intérêts particuliers. Des boucs émissaires, porteurs de tous les péchés du monde.

Les groupes de pression existent depuis toujours, mais il semble qu’ils se sont institutionnalisés, qu’ils occupent aujourd’hui une place officielle auprès des décideurs. Il n’est pas surprenant que, dans le cours de la préparation d’une mesure réglementaire, les tenants d’une technique, d’un brevet, d’une pratique particulière, s’expriment. Il est même anormal que les décisions soient prises sans avoir, préalablement, consulté des acteurs concernés. Le problème est dans leurs modes d’intervention, dans l’équilibre des moyens des différents intérêts affectés. Ne serait-ce que de connaître les agendas, savoir quelles affaires vont se traiter.
Il est souvent question de ces influenceurs, mais le mieux, pour les groupes de pression, est d’avoir un représentant dans la place. Faire élire un défenseur de ses intérêts est encore mieux que de faire la cour à des élus a priori indifférents à la cause. Qui, dans nos assemblées démocratiques, contestera qu’un médecin s’intéresse à la politique de santé ? En est-il pour autant, le plus légitime ? va-t-il pousser l’intérêt général ou celui du corps médical ? Ne vaudrait-il pas mieux un simple patient, usager de la médecine ? Itou pour un enseignant, qui se spécialiserait dans son assemblée sur l’éducation. Même raisonnement pour un banquier, qui connait sur le bout du doigt toutes les mécaniques financières. Une compétence bien utile pour traiter des affaires économiques, mais est-il certain que cette compétence sera mise au service de l’intérêt collectif ? Bref, de même que l’on dit que la guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier à des militaires, n’est-il pas dangereux de confier tel secteur d’intérêt général à des spécialistes ? Il y a évidemment débat, du pour et du contre dans chaque choix. La réponse est sans doute dans la diversité des décideurs, la collégialité qui permet d’équilibrer les points de vue. Il y a aussi le mode de désignation des élus, pour éviter une représentation excessive de tel ou tel intérêt.
Le mode de scrutin n’est pas indifférent de ce point de vue. Proportionnel, chaque groupe social ou professionnel se trouve représenté selon les choix des partis politiques. Majoritaire, c’est une autre logique qui fonctionne. Un faible déplacement des voix, de 1 à 2%, peut conduire à des majorités très différentes. Un groupe bien organisé, même s’il ne représente qu’une faible partie du corps électoral, peut modifier le résultat d’une élection. C’est le défaut souvent attribué à la proportionnelle, qu’un petit groupe puisse imposer sa loi, du fait d’une position charnière. Avec le scrutin majoritaire, ce phénomène a lieu en amont, non pas au sein de l’assemblée mais dans le processus même de désignation des élus. Certaines catégories sociales ou professionnelles sont bien identifiées, les agriculteurs, les chasseurs, les enseignants, les professions libérales, etc. qui peuvent orienter l’issue d’un scrutin, et qui se trouvent ainsi en position de lobbyistes de fait. Les attentions dont elles font l’objet à chaque élection en témoignent à l’évidence.
Une fois l’élection terminée, tout se passe dans les couloirs. Les groupes d’intérêt s’incrustent dans les fameux couloirs et autres antichambres, pour y côtoyer les dirigeants de ce monde. Comme les courtisans de l’ancien régime. Quoi de plus normal que de vouloir défendre sa cause, et tenter d’obtenir des décisions favorables ? Ce n’est pas le lobby qui est le vrai problème, d’autant qu’il y a des lobbyings de tous genres, mais c’est la différence de moyens dont ils disposent. Les associations de protection de la faune, par exemple, sont bien plus pauvres que les chasseurs, mais les deux parties n’hésitent pas à faire entendre leur point de vue.
Au-delà des moyens matériels, il y a la capacité d’un lobby à mobiliser ses partisans, et c’est bien plus facile quand il s’agit d’intérêts particuliers que d’une cause d’ordre général. Chacun se manifestera plus pour défendre son mode de vie ou sa profession, avec des revendications précises et immédiates, que pour la planète, la nature ou le climat.
Les lobbys existeront toujours, et leur interdiction ne ferait que transformer leurs modalités d’action. Leur reconnaissance telle qu’elle se fait auprès de l’Union européenne en est la conséquence logique. Les accuser de tous nos maux ne résout rien, il vaut mieux tenter de rééquilibrer leur influence. Plusieurs leviers peuvent y contribuer : Plus de moyens pour ceux positionnés sur des intérêts généraux et de long terme ; pour ceux-ci, un effort pour traduire leurs préoccupations en termes visibles et mieux ciblés ; plus de transparence sur les intérêts que les élus pourraient porter du fait de leur parcours antérieur ; des méthodes de travail dans l’élaboration des décisions garantissant une écoute équitable de toutes les parties ; et surement bien d’autres que vous saurez imaginer.

 

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