Dépendance 2
La crise sanitaire a mis en évidence notre dépendance sur des produits essentiels, notamment les médicaments. Celle que la guerre en Ukraine provoque confirme le constat, plus précisément sur l’énergie.
Le ministre Bruno Lemaire compare la situation aux crises pétrolières des années 1970. Il m’a toujours semblé surprenant, et bien imprudent, d’avoir en son temps, l’immédiat après-guerre, fondé la relance de notre économie sur un produit que nous n’avions pas chez nous, le pétrole. Derrière l’automobile, il y a le carburant, importé pour l’essentiel. Un pari implicite sur un accès sûr et facile à la ressource, et la maîtrise de son prix. Il est vrai que les grands pays producteurs étaient alors sous influence des pays occidentaux, qui veillaient au grain. Tout dérapage, comme ce fut le cas avec l’Iran du Dr Mossadegh renversé par un coup d’Etat en 1953, était immédiatement corrigé.
La crise actuelle concerne notre dépendance à la Russie. Comment se passer de son gaz, décision qui semble nécessaire pour changer le rapport de force ? Le tout sur fond de décor d’abandon des énergies fossiles à moyen terme. Les trajectoires proposées pour cette transition s’étalent dans le temps, alors que le temps presse pour arrêter la guerre. L’inertie de la transformation de nombreuses industries, de notre parc automobile et de nos modes de chauffage nous paralyse. Les retards pris, par exemple dans le développement des énergies renouvelables, se payent cash.
Les chocs pétroliers des années 1970 ont provoqués des changements de comportement pendant la crise, et structurels au cours des années qui ont suivi. Avec quelques remous, dus aux contre-chocs. Première règlementation thermique pour les bâtiments, limitation de vitesse sur les routes, programme de centrales nucléaires. Les automobilistes ont privilégié les petites voitures, plus économiques. Pendant la crise elle-même, la réaction a été la « chasse au gaspi » et le pull-over, les actions qui pouvaient être mises en œuvre rapidement.
Nos plans de transition énergétique ne répondent pas à l’exigence d’immédiateté. Comment faire pour que l’Europe se passe du gaz russe en quelques mois, quand les réserves seront épuisées ? Le nouveau nucléaire est attendu dans une quinzaine d’années, et les hésitations sur les énergies nouvelles, le stop and go des politiques de soutien et de développement, a fragilisé les filières concernées, et dans son programme, le président a réduit de moitié le rythme de construction des éoliennes. Des décisions à revoir dans le nouveau contexte, espérons-le. Les professionnels du solaire affirment pouvoir créer aujourd’hui l’équivalent d’un réacteur nucléaire chaque année, et le double dans quelques années. C’est bien, mais encore trop tard pour faire face aux besoins immédiats. Quant au parc immobilier, il se rénove bien lentement, bien plus lentement que les programmes le prévoient et ne donne pas les économies d’énergie espérées. Une accélération est annoncée, mais là encore nous sommes hors-délais pour la crise actuelle. Conclusion : l’offre de substitution au gaz russe ne sera pas à la hauteur du défi, et les économies d’ordre structurel demandent du temps, un temps que nous n’avons pas.
Il reste les économies de fonctionnement. Les situations de crise, pénurie ou envolée des prix, sont souvent l’occasion de s’interroger sur nos besoins et la manière de les satisfaire. Les industries sont appelées à revoir leurs process, leurs réseaux de fournisseurs et de clients, leurs organisations. Il y a toujours des gisements d’économies, que l’on n’exploite que sous la pression des évènements. Les transporteurs routiers qui n’ont pas encore adopté l’écoconduite, et/ou qui ne se font pas obligation d’un entretien minutieux de leur parc, pourront découvrir les bienfaits de la vertu. C’est vrai aussi pour tous les automobilistes qui protestent contre l’évolution du prix des carburants tout en roulant avec les pneus sous-gonflés. Et puis, lever le pied produit un effet immédiat. La hausse brutale des prix du diésel a reboosté le covoiturage bien plus que ne l’avaient fait les hausses plus modérées de ces dernières années. A la maison, le programme de l’ADEME « familles à énergie positive » et ses cousins associatifs ont montré que des économies substantielles pouvaient être obtenues. La nécessité stimule la créativité, dans les entreprises et chez les particuliers. Espérons que les initiatives qui en résulteront seront efficaces et deviendront ensuite des pratiques courantes.
A force de privilégier l’investissement sur le fonctionnement, nous avons pris l’habitude de chercher des solutions structurelles, avec de nouveaux équipements, au détriment de celles qui pourraient naître d’une amélioration des pratiques ordinaires. Le « hard » a fait oublier le « soft ». Les deux vont souvent de pair, mais le soft est souvent conditionné par le hard. L’urgence nous conduit aujourd’hui à revenir sur le soft, le fonctionnement, la culture professionnelle ou familiale. Nul doute que ce renversement ouvrira des voies nouvelles, et permettra de revisiter le hard, voire de le détourner. Une manière de prendre du recul par rapport aux équipements, à se les approprier pour en faire un meilleur usage. Une manière de s’affranchir immédiatement des dépendances trop lourdes.
Le ministre Bruno Lemaire compare la situation aux crises pétrolières des années 1970. Il m’a toujours semblé surprenant, et bien imprudent, d’avoir en son temps, l’immédiat après-guerre, fondé la relance de notre économie sur un produit que nous n’avions pas chez nous, le pétrole. Derrière l’automobile, il y a le carburant, importé pour l’essentiel. Un pari implicite sur un accès sûr et facile à la ressource, et la maîtrise de son prix. Il est vrai que les grands pays producteurs étaient alors sous influence des pays occidentaux, qui veillaient au grain. Tout dérapage, comme ce fut le cas avec l’Iran du Dr Mossadegh renversé par un coup d’Etat en 1953, était immédiatement corrigé.
La crise actuelle concerne notre dépendance à la Russie. Comment se passer de son gaz, décision qui semble nécessaire pour changer le rapport de force ? Le tout sur fond de décor d’abandon des énergies fossiles à moyen terme. Les trajectoires proposées pour cette transition s’étalent dans le temps, alors que le temps presse pour arrêter la guerre. L’inertie de la transformation de nombreuses industries, de notre parc automobile et de nos modes de chauffage nous paralyse. Les retards pris, par exemple dans le développement des énergies renouvelables, se payent cash.
Les chocs pétroliers des années 1970 ont provoqués des changements de comportement pendant la crise, et structurels au cours des années qui ont suivi. Avec quelques remous, dus aux contre-chocs. Première règlementation thermique pour les bâtiments, limitation de vitesse sur les routes, programme de centrales nucléaires. Les automobilistes ont privilégié les petites voitures, plus économiques. Pendant la crise elle-même, la réaction a été la « chasse au gaspi » et le pull-over, les actions qui pouvaient être mises en œuvre rapidement.
Nos plans de transition énergétique ne répondent pas à l’exigence d’immédiateté. Comment faire pour que l’Europe se passe du gaz russe en quelques mois, quand les réserves seront épuisées ? Le nouveau nucléaire est attendu dans une quinzaine d’années, et les hésitations sur les énergies nouvelles, le stop and go des politiques de soutien et de développement, a fragilisé les filières concernées, et dans son programme, le président a réduit de moitié le rythme de construction des éoliennes. Des décisions à revoir dans le nouveau contexte, espérons-le. Les professionnels du solaire affirment pouvoir créer aujourd’hui l’équivalent d’un réacteur nucléaire chaque année, et le double dans quelques années. C’est bien, mais encore trop tard pour faire face aux besoins immédiats. Quant au parc immobilier, il se rénove bien lentement, bien plus lentement que les programmes le prévoient et ne donne pas les économies d’énergie espérées. Une accélération est annoncée, mais là encore nous sommes hors-délais pour la crise actuelle. Conclusion : l’offre de substitution au gaz russe ne sera pas à la hauteur du défi, et les économies d’ordre structurel demandent du temps, un temps que nous n’avons pas.
Il reste les économies de fonctionnement. Les situations de crise, pénurie ou envolée des prix, sont souvent l’occasion de s’interroger sur nos besoins et la manière de les satisfaire. Les industries sont appelées à revoir leurs process, leurs réseaux de fournisseurs et de clients, leurs organisations. Il y a toujours des gisements d’économies, que l’on n’exploite que sous la pression des évènements. Les transporteurs routiers qui n’ont pas encore adopté l’écoconduite, et/ou qui ne se font pas obligation d’un entretien minutieux de leur parc, pourront découvrir les bienfaits de la vertu. C’est vrai aussi pour tous les automobilistes qui protestent contre l’évolution du prix des carburants tout en roulant avec les pneus sous-gonflés. Et puis, lever le pied produit un effet immédiat. La hausse brutale des prix du diésel a reboosté le covoiturage bien plus que ne l’avaient fait les hausses plus modérées de ces dernières années. A la maison, le programme de l’ADEME « familles à énergie positive » et ses cousins associatifs ont montré que des économies substantielles pouvaient être obtenues. La nécessité stimule la créativité, dans les entreprises et chez les particuliers. Espérons que les initiatives qui en résulteront seront efficaces et deviendront ensuite des pratiques courantes.
A force de privilégier l’investissement sur le fonctionnement, nous avons pris l’habitude de chercher des solutions structurelles, avec de nouveaux équipements, au détriment de celles qui pourraient naître d’une amélioration des pratiques ordinaires. Le « hard » a fait oublier le « soft ». Les deux vont souvent de pair, mais le soft est souvent conditionné par le hard. L’urgence nous conduit aujourd’hui à revenir sur le soft, le fonctionnement, la culture professionnelle ou familiale. Nul doute que ce renversement ouvrira des voies nouvelles, et permettra de revisiter le hard, voire de le détourner. Une manière de prendre du recul par rapport aux équipements, à se les approprier pour en faire un meilleur usage. Une manière de s’affranchir immédiatement des dépendances trop lourdes.
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