Signal
Dans bien des domaines, le signal prix est efficace. Il semble que ce ne soit pas le cas pour l’environnement. Que lui manque-t-il pour qu’il devienne un instrument performant du changement ?
Le débat sur la fin du monde ou la fin du mois est toujours présent, et semble interdire tout recours à un signal prix pour changer les comportements. Les réactions des gilets jaunes à cet égard en sont une illustration frappante. Pourtant, c’est un instrument simple, facile à comprendre, efficace. Il a contribué à la baisse de consommation de tabac, pour prendre un exemple dans le domaine de la santé publique. Indépendamment de l’usage qui peut être fait de la recette d’une taxe pour l’environnement, le simple fait d’augmenter un prix modifie la demande, et conduit les consommateurs à chercher d’autres manières de répondre à leurs besoins.
Une taxe sur les carburants, au-delà de la contribution aux dépenses publiques liées au service rendu (routes, santé, etc.) a pour objectif d’amener les automobilistes à consommer moins d’essence, charge à eux de trouver la manière qu’ils préfèrent pour y parvenir : écoconduite, meilleur entretien de leurs véhicules, ne serait-ce que la pression de leurs pneus, co-voiturage, télétravail, changement de voiture, etc. L’idée n’est pas d’alourdir le budget de ménages déjà en difficulté, mais de faire pression pour susciter la créativité, créer une offre de substitution, avec à terme des économies. Le covoiturage est bon à la fois pour la planète et pour le porte-monnaie des covoitureurs.
Il y a bien sûr l’épreuve de la transition, les efforts à faire, le temps nécessaire à la mise en place de solutions alternatives, et la manière dont la transition est accompagnée. Il est clair que la taxe carbone n’a pas été bien présentée, que les soutiens au changement ont été déficients. Un échec d’autant plus regrettable qu’il a rendu le signal prix plus difficile d’emploi par la suite. Il aurait été bien plus efficace dans le transport aérien, par exemple, que l’interdiction des petites liaisons. Le calcul économique aurait suscité la sagesse, et aurait aussi concerné les vols low cost qui continuent à nous narguer avec des tarifs déraisonnables.
La question refait surface aujourd’hui avec les compteurs Linky. Ceux-ci présentent de nombreux avantages, pour l’opérateur, qui trouve un accès aux compteurs direct et à distance, pour les énergies renouvelables qui exigent, pour leur insertion dans le réseau, une connaissance fine de la consommation, et pour le consommateur, qui peut suivre de près sa consommation, et en tirer les enseignements utiles. Retrouver la maitrise de sa consommation est une des étapes de la transition énergétique à laquelle les citoyens sont appelés à participer. Le rejet (parfois virulent mais statistiquement très modeste) du compteur Linky vient sans doute d’un défaut d’accompagnement. Le potentiel qu’il représente pour l’usager, la manière dont il peut en tirer parti, reste bien virtuel, et peu de personnes en prenne conscience, en particulier au sein de la population qui en aurait le plus besoin, les plus précaires. L’économie attendue n’est pas automatique, elle est à portée de main, mais il faut aller la chercher, et le mode d’emploi ne dit pas grand-chose sur ce point.
Une analogie vient à l’esprit, avec la fin des contrôles à l’entrée des quais de la SNCF. Les agents ainsi libérés de leur tâche de contrôle ont été déployés, au moins en partie, dans les gares pour aider les passagers à trouver le bon train. Pourquoi ne pas reconvertir une partie des agents dédiés au relevé des compteurs, charge ingrate et sans intérêt particulier, à l’assistance aux usagers pour le bon usage de l’électricité ? Il y a eu des ambassadeurs du tri au pied des immeubles, et ça a bien marché. Des ambassadeurs de l’énergie, disponibles pour se rendre chez les usagers, seraient bien plus efficaces que les points info énergie, fixes et souvent mal connus. Ce n’est bien sûr pas le même métier, mais une formation pourrait leur permettre de donner aux usagers les premiers conseils, en attendant des spécialistes si nécessaire.
Le signal prix prendrait ainsi toute son intérêt : l’électricité, y compris le remboursement du compteur et les charges de distribution, de service public, etc., est plus chère au kWh, mais il y a moyen d’en consommer moins, et, tout compte fait, de gagner un peu de pouvoir d’achat. Du gagnant-gagnant, pour le consommateur, pour la planète, puisque la meilleure énergie est celle que nous ne consommons pas, et pour l’emploi, car les anciens postes consacrés aux relevés prennent enfin du sens.
Le signal prix ne fonctionne que si des alternatives sont proposées et apparaissent faciles à mettre en œuvre. Le problème est que le second volet est souvent oublié…
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