Timbre
La sortie toute fraîche du "timbre vert" contribue à la mobilisation pour le développement durable des consommateurs, usagers ou clients selon la manière de les désigner. Elle complète la mobilisation des producteurs.
La nouveauté est le timbre vert. Depuis le 1er octobre 2011, vous pouvez affranchir votre courrier moins cher et plus propre à la fois. 57 centimes au lieu de 60, et quinze pour cent de gaz carbonique en moins.
Du gagnant-gagnant comme on les aime, bon pour l’environnement, et bon pour votre porte-monnaie. Il faut juste accepter que votre lettre arrive un jour plus tard. 2 jours (à 95%) contre 1 jour (à 85% en principe, un peu moins en réalité). Ce délai supplémentaire offre une liberté de choix pour l’acheminement du courrier. Les modes les plus émetteurs de CO2, l’avion en premier lieu, sont évités (sauf pour l’outre-mer). L’objectif est, à terme, de parvenir à une réduction de 30% des émissions de gaz à effet de serre.
La Poste s’inscrit ainsi dans plusieurs dynamiques. La première est la remise en cause de la vitesse. Bien sûr, il y a des cas où il faut faire vite, mais très souvent, la vitesse est choisie « par défaut », faute d’avoir pris une autre décision, et pas du tout par besoin. Si on ajoute que souvent le cachet de la poste fait foi, le jour de différence n’est pas pénalisant en général, alors que le gagner est un atout environnemental. L’important est de faire en sorte que chacun ait le choix. Ce choix existe déjà, sous une autre forme, mais il n’est pas suffisamment mis en pratique. C’est comme votre mobilité personnelle. Quand vous avez une voiture à votre porte, la tentation est grande de la prendre, même si d’autres formules seraient aussi efficaces, voire plus et pour moins cher. La facilité a souvent le dernier mot. En l’occurrence, le courrier lent existe déjà, mais il n’est pas associé à une bonne action environnementale. Le timbre vert devra corriger cette carence. Retenons la ligne directrice du timbre vert, libérons-nous de la tyrannie de la vitesse.
Pourquoi, cependant, ne pas verdir aussi le timbre à 55 centimes ? La lenteur de ces plis a-t-elle permis de réduire les émissions de CO2 ? On l’espère bien. 4 jours de délais, ça ouvre encore plus de possibilités de report sur des modes « propres ». Aucune trace de bilan carbone du courrier lent dans la promo du timbre vert. On le regrette, car si ma lettre doit prendre son temps, autant viser le meilleur bilan environnemental.
C’est la deuxième dynamique que cette initiative suggère. Le marketing. Une formule verte, toute neuve et pimpante, semble préférable au « verdissement » d’une formule ancienne et un peu tristounette… Le marketing au service de l’environnement, ou l’environnement au service du marketing ? Il est vrai que le timbre vert a un aspect de green washing, et les réactions de certaines associations et de certains syndicats dénoncent des « faux arguments écologiques », qui selon eux masquent des dégradations liées aux concentrations des postes de tri. La meilleure réponse réside dans le bilan global de la Poste, rapporté aux services rendus effectivement. Le transport du courrier n’est qu’un élément dans un bilan comprenant de nombreux autres aspects. La Poste va, par exemple, acheter des véhicules électriques pour la distribution du courrier. La Poste s’est engagée à réduire globalement ses émissions de gaz à effet de serre, faisons-lui crédit pour l’instant, nous jugerons aux résultats. Au-delà de cette polémique, le timbre vert renforce aussi dans le public l’idée que les gestes les plus simples ont un Impact sur l’environnement. Chacun est invité à agir. Il faut que l’offre de service permette aux usagers de faire des choix, et les habitue à faire attention aux produits qu’ils achètent. Tous ne sont pas égaux devant l’environnement. Non à la carte forcée de la solution unique, vive l’esprit de responsabilité.
C’est la troisième dynamique à mentionner, celle de l’étiquetage environnemental. Le timbre vert se situe dans cette logique en donnant des indications à son acheteur. L’information est limitée aux émissions de gaz à effet de serre, et relève plus de bonnes intentions que d’une « Analyse du cycle de vie », mais l’étiquetage environnemental n’en est qu’à ses balbutiements, et il faut habituer les consommateurs à le regarder de près. Ces étiquettes doivent entrer dans nos mœurs, il faudra apprendre à les décrypter, à faire rapidement dans nos têtes des bilans coût/avantages. Des bilans bien sûr grossiers et avec une bonne Marge d’erreur, mais statistiquement favorables à de bons choix, et susceptibles d’orienter rapidement les producteurs vers des techniques préférables pour l’environnement.
L’acheminement du courrier doit, comme les autres biens et services, être l’objet d’un étiquetage, adapté à ses spécificités, et le timbre vert s’inscrit dans cette voie. Ce n’est pas un aboutissement, c’est une étape dans une progression qu’il convient de souligner. Mais n’oublions pas que ce qui compte, c’est l’intérêt du message, le contenu du courrier. La meilleure performance environnementale pour un pli sans intérêt reste une mauvaise opération pour l’environnement. La quantité de publicité qui passe directement de ma boite aux lettres au recyclage atteste qu’il y a encore beaucoup de carbone à gagner de ce côté-là.
Photo Mathyas Kurfmann /Unsplash
Chronique mise en ligne le 24 octobre 2011
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