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Argent, Economie et PIB

Bénéfice

bnficesMalgré les nombreuses études qui montrent que le développement durable est une bonne affaire, l’opinion et de nombreux dirigeants peinent à croire aux bénéfices d’une politique d’environnement et de lutte contre les inégalités. Ce serait une concession à quelques activistes, ou à des idéalistes.

Il est vrai que les bénéfices sont plus difficiles à évaluer que les dépenses que ces politiques exigent. Ils sont souvent non monétaires. Il y a bien des tentatives pour les inscrire dans les comptabilités, publiques ou privées, mais elles restent conventionnelles. On parle de valeurs tutélaires, par exemple, une référence abstraite et pour beaucoup théorique. Les débats sur le prix à attribuer au carbone illustrent la difficulté de l’exercice. C’est comme le prix d’une vie humaine, ou celui de la douleur, le pretium doloris.
Les bénéfices non monétaires sont pour demain, ils sont diffus et peuvent être compromis par des évènements imprévus, alors que les dépenses sont immédiates, certaines, et payées par des acteurs qui comptent leurs sous et attendent des retours d’investissement rapides. Les études évoquées ci-dessus montrent que ces investissements sont rentables pour la collectivité. La dégradation du climat coute beaucoup plus que les actions à mener pour l’endiguer, les dépenses pour restaurer la biodiversité ont des retombées égales à 10 fois leur valeur, les inégalités sont un frein à la croissance économique, etc. Tout cela est bien documenté, mais reste difficile à croire dans un contexte où la lutte pour l’environnement et la justice sociale est marquée du sceau de la morale et du sacrifice.
Cette première difficulté d’ordre psychologique se double de celle de « rendre à César ce qui appartient à César ». Les payeurs ne sont pas toujours les bénéficiaires, il s’en faut. Autrement dit, les victimes de l’inaction n’en sont pas les responsables. Les habitants des petits états du Pacifique menacés de disparaître sous la montée des eaux ne sont pas responsables des émissions de gaz à effet de serre des industries du Nord. Ils leur font même des procès, une manière de mettre en évidence le lien entre les causes des dégâts et leurs effets à des milliers de kilomètres. Les retours d’investissement des industriels du Nord pour réduire leurs émissions seraient perçus par les Micronésiens et autres Tuvalais. Décalage dans l’espace, mais aussi dans le temps. Les générations futures sont toujours convoquées quand le débat porte sur la dégradation de la planète. Hommage à Saint Exupéry oblige.
Tout ça n’est pas très convaincant pour les entreprises et les états qui doivent sortir de l’argent au nom du développement durable. Même s’il est démontré que cet argent aura les retombées positives pour les donateurs, il faut un minimum de foi pour y croire vraiment. Des outils financiers permettent de suppléer ladite foi, comme des taxations, principe pollueur payeur, ou des modalités d’internalisation de couts externes, comme disent les économistes, ou encore des règlements encadrant les activités humaines.
Un autre obstacle à la reconnaissance des bénéfices des politiques de développement durable est que ces bénéfices se mesurent souvent en coûts évités. C’est le drame de la prévention, il y a toujours le doute sur son intérêt. N’en fait-on pas trop, où mettre le curseur ? Un exemple très concret peut être trouvé dans la qualité environnementale des logements. Elle apporterait un surcoût selon certains, mais elle provoque aussi de nombreuses économies, pour l’habitant comme pour l’investisseur. Plus grande satisfaction et moins de charges, ont pour conséquences moins de dégradations, moins de turnover de locataires, deux postes de dépenses qui montent beaucoup plus haut que le « surcoût ». La qualité environnementale est rentable pour le logement.
Il en est de même pour les bureaux qui offrent de meilleures conditions de travail au personnel. Ce ne sont plus alors des coûts évités, mais des bonus dont le malheur est de ne pas entrer dans le même budget que la construction. Les cloisonnements entre départements d’une entreprise conduisent à ne voir que la dépense, si le bénéfice est perçu dans un autre cadre.
Il est fréquent que les bénéfices d’une action « développement durable » se réalisent dans plusieurs domaines. On parle alors de co-bénéfices, et leur somme justifie souvent une dépense qu’aucun volet n’aurait pu motiver à lui tout seul. L’ennemi est alors le cloisonnement des décisions, l’absence de vision globale. La lutte contre la précarité énergétique, par exemple, est largement payée par les économies d’ordre social, intégrant les coûts évités en soin de santé, absentéisme à l’école ou au travail et autres drames sociaux. Dans un autre ordre d’idées, la « grande muraille verte » au Sahel produira des bénéfices en termes d’environnement, d’agriculture, d’emploi, de santé et probablement de lutte contre le terrorisme.
Les bénéfices des politiques de développement durable sont variés. Certains sont immédiats et profitent à leurs promoteurs, d’autres seront des coûts évités qui n’apparaitront nulle part dans les comptabilités, d’autres encore sont des investissements à long terme pour la collectivité, ce qui permettra plus tard de réduire des charges, d’autres enfin permettront d’éviter des dégradations irréversibles dont nous serions tous des victimes. Ce n’est pas parce qu’ils sont difficiles à évaluer et à comptabiliser qu’il faut s’en priver.
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