Psychologie du totalitarisme
Mattias Desmet
Les éditions Yves Michel, 2025
C'est la science qui nous alerte sur dégradation du climat et de la biodiversité. Réjouissons-nous cette interpellation, qui devrait nous aider à interrompre notre cheminement vers une fin prématurée, et à bifurquer vers une autre civilisation. Recivilisation.
Méfions-nous toutefois d’une approche trop techniciste. « Nous ne croyons pas ce que nous savons », nous dit Jean-Pierre Dupuy. Nos comportements ne sont pas dictés par la science ni même par la raison. Bien après le GIEC et l’IPBS, un « GIEC des comportements » s'est constitué pour apporter la dimension humaine dans un discours essentiellement technique, et qui échappe à l'entendement de la plupart d'entre nous.
L’ouvrage du psychologue Mattias Desmet, nourri notamment des travaux de Gustave Le Bon et d’Hannah Arendt, nous apporte un éclairage supplémentaire, qui devrait influencer l’attitude de tous ceux qui veulent infléchir le cours de l’histoire. Une forme de critique de la raison, et notamment du message des Lumières, poussé au bout de sa logique. En voulant libérer la société du pouvoir de la religion, les philosophes ont laissé prospérer « la croyance délirante en une toute-puissance de la rationalité humaine ». Dès lors, chaque évènement qui bouleverse nos habitudes, et Dieu sait qu’il y en a de nombreux aujourd’hui, source d’inquiétude si ce n’est de peur* , appelle « une seule réponse et une seule façon de se défendre dans notre manière habituelle de penser : accroître le contrôle ». Et le cycle infernal est ainsi amorcé « Un besoin excessif de contrôler entraîne la peur et la peur entraîne la compulsion à contrôler ». L’objectif est louable, créer un monde utopique sans guerre ni souffrance, mais il dérive rapidement vers un pouvoir exercé par les technocrates et les experts. Il n’y a pas d’alternative à ce besoin d’optimisation, qui conduit tout droit au totalitarisme. A la différence de la dictature, c’est le peuple lui-même qui est demandeur, pris dans une sorte d’hypnose collective.
4 conditions liées entre elles président à la montée du totalitarisme : une solitude généralisée, la détérioration du lien social, « un niveau élevé d’anxiété flottante », et « frustration et agressivité flottante », « flottante » voulant dire non reliée à un objet défini. Une ambiance. Des conditions qui semblent bien être réunies de nos jours, et auxquelles l’éco-anxiété et le rappel à la morale concourent. C’est ainsi que se forment les « foules », qui dépossèdent chacun de leurs membres de sa libre pensée. 
Mattias Desmet nous décrit le processus qui nous conduit au totalitarisme, et nous entraine dans une réflexion sur la vision mécaniste du monde, qui nous donne l’illusion « que l’univers est un système mécanique qui peut entièrement être compris par le raisonnement logique ». Nous flirtons avec les limites de la science, auxquelles de nombreux scientifiques se sont confrontés.
Pour Mattias Desmet, « l’incertitude est inhérente à la condition humaine », et « il faut renoncer à la rationalité en tant qu’idéal ». Il fait l'éloge des mythes et de la créativité qui « pourrait ainsi être le meilleur remède contre la maladie qui est la vie. » Un rappel, sans la citer, d’une réflexion de Paul Valéry qui disait que « la sensibilité est le moteur de l’intelligence ». Une bonne manière de lutter contre les totalitarismes.
* voir à sujet mon article publié dans la Revue politique et parlementaire d'avril-juin 2015, La politique, la peur et les développement durable
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Commentaires
Sachez que le livre est disponible en librairie et sur le site de l'éditeur : https://www.yvesmichel.org/livre/psychologie-du-totalitarisme/
Bel automne à tou.te.s ! Yves MICHEL