Elections et double dividende
Les programmes des formations politiques sont ancrés dans le passé. Bien sûr il s'agit du présent, de la vie quotidienne des Français, mais les références sont celles du passé. Améliorer la qualité de vie des Français d'aujourd'hui sans s'engager sur une voie de progrès, celui de demain et pas celui d'hier, conduirait à une impasse. Le double dividende caractéristique du développement durable se conjugue dans le temps, un dividende immédiat et le second à plus long terme. Oublier ce dernier, c'est reporter à plus tard des décisions qui seront plus dures et plus couteuses à mettre en place, et prendre le risque d'un déclassement de notre pays par rapport à ceux qui auront su anticiper.
Le monde a changé, les références politiques sont en retard. Pas étonnant, puisque les électeurs qu'il faut convaincre puisent leurs références dans le monde actuel, hérité du passé. Leurs rêves et leurs espérances renvoient au passé, comme la possession d'une grosse voiture ou du dernier smartphone, ou encore les vacances dans les îles au soleil.
Un exemple illustre bien ce décalage, la question de la fin des voitures thermiques. Elles ne pourront plus être vendues à partir de 2035, mais leur disparition totale ne se fera pas avant 2045 compte tenu de la durée de vie des voitures. Les voitures électriques en Europe sont beaucoup plus chères que les thermiques, et cette mesure semble antisociale, peu d'entre nous ayant les moyens de s'en offrir une. C’est juger une situation 2035 avec les critères de 2024. La baisse des prix des véhicules électriques est très rapide, comme celle du prix du kilowattheure photovoltaïque par exemple. En Chine, qui a une longueur d'avance sur ce sujet, les véhicules électriques récents sont déjà moins chers que leurs homologues thermiques. Il en sera évidemment de même en Europe, dès que les constructeurs élargiront leurs gammes, pour l'instant orientées vers des gros modèles. L’interdiction de la vente de véhicules thermiques après 2035 n’est que le signal que les constructeurs européens attendaient pour ajuster leur politique industrielle. Ce sont les sociétés pétrolières qui voudraient bien prolonger l'ère du pétrole qui tentent de s'opposer à cette mesure. Le dividende de demain se situe dans la maitrise de la fabrication des véhicules électriques et de leurs composants
Pour le volet satisfaction immédiate des attentes, le dividende « ici et maintenant », il faut regarder du côté des usages des voitures. Comment réduire le coût de la mobilité dans une politique de pouvoir d'achat ? Plusieurs réponses selon le contexte, ville ou campagne par exemple. Ici, ce sera la location ou le partage, plutôt que la propriété. Ça coûte bien moins cher de payer l’usage d’une auto pour quelques heures, que d’en posséder une qui sera au repos 90% de son temps. Là, ce sera la densification des transports collectifs, ou la mise en place de service de véhicule à la demande. Ailleurs, le covoiturage permettra de mieux remplir les voitures et de partager les coûts. Ce sera souvent la deuxième voiture qui pourra être évitée, une économie de 5 à 6000 €. Des solutions combinables entre elles, et avec l’organisation du travail, comme le télétravail, pour les professions qui le permettent.
Au total, deux dividendes pour une même politique, nous sommes bien sur la voie du développement durable.
Pour l’énergie, le renforcement de la production d’électricité pour la substituer aux énergies fossiles, l’autoconsommation répond à ces deux impératifs, allègement immédiat de la facture, et développement des énergies renouvelables, locales par nature. Autoconsommation personnelle ou collective, en fonction des situations. Le monde agricole bénéficié déjà de cette possibilité, capteurs solaires sur les bâtiments ou biogaz.
Le retour régulier devant les électeurs pousse naturellement à privilégier le court terme, les mesures valorisables dans les urnes. Il serait coupable de ne pas en profiter pour inscrire la recherche d’avantages immédiats dans une perspective à plus long terme. Une occasion aussi, dans le discours, de donner du sens au mode de développement proposé. A défaut, le décalage entre les besoins immédiats et les exigences du futur ne peuvent que provoquer un malaise ou un désarroi qui déstabiliseront la vie politique, au risque d’aventures sans retour.
Édito du 3 juillet 2024
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