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Tarifs d’achat : Les renouvelables ont le dos large…

 Écrit par Vincent Boulanger le . Publié dans L'invité

 

Il faut se pincer pour y croire. Le sens d'une transition énergétique est de remplacer progressivement les énergies traditionnelles par des énergies renouvelables. La législation européenne s'est même dotée d'objectifs contraignants pour amorcer ladite transition. En toute logique, la part de marché des centrales électriques conventionnelles était appelée à diminuer.

Mais alors que ce scénario se réalise, les opérateurs des moyens fossiles se rebiffent et chargent les énergies renouvelables de tous les maux, dont la fameuse “crise” du système électrique européen. Plus savoureux encore, les ex-oligarques de l'énergie somment les nouveaux arrivants de respecter les règles du marché de l'électricité, règles taillées pour les centrales conventionnelles mais incompatibles avec le modèle économique des énergies renouvelables variables. Le prix de marché est en effet déterminé par les coûts d'exploitation des moyens de production appelés, dont l'essentiel revient au coût des combustibles. Pour les énergies renouvelables variables, les coûts d'exploitation sont très faibles, car le soleil et le vent sont gratuits. En revanche, le coût de l'électricité des centrales solaires et des parcs éoliens vient pour l'essentiel des coûts d'investissement. Or, le marché ne sait pas, dans sa configuration actuelle, rémunérer l'investissement, car il n'offre presqu'aucune visibilité sur les prix à long terme.

Et pourtant, le lobbying des opérateurs historiques a fonctionné ! Le ministre français de l'Écologie a ainsi lancé en fin d'année une consultation sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables. Le Cler, Réseau pour la transition énergétique, Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire, et le Syndicat des énergies renouvelables (SER) viennent de remettre leur réponse à cette consultation. Le Cler commence par dénoncer la supercherie en rappelant que les principales causes du dysfonctionnement du marché de l'électricité sont la baisse de la demande suite à la crise, l'investissement irréfléchi dans des surcapacités de production traditionnelles et l'effondrement du marché du carbone rendant le charbon bien meilleur marché que le gaz. L'association affirme ainsi que le système des tarifs d'achat doit être maintenu : « Il a fait ses preuves en matière de développement industriel des filières émergentes et de démocratisation de l'énergie, et les études montrent qu'il est le plus économique pour la société ». Si un système d'intégration au marché devait être mis en place, il faudrait l'établir avec beaucoup de précaution en aménageant notamment une période transitoire.

Le Cler propose en revanche plusieurs modifications du système de tarifs d'achat afin de pouvoir tirer le meilleur de chaque filière électrique. Enerplan rappelle pour sa part que le coût de production de l'électricité issue de centrales solaires de grandes taille est d'ores et déjà compétitif avec celui des nouvelles centrales fossiles et même nucléaire (EPR). Le syndicat juge « prématuré » la volonté de faire jouer aux énergies renouvelables le jeu d'un marché qu'il juge « inefficient ». « En l'état actuel du marche? e?lectrique, il deviendrait tre?s difficile, voire impossible, de financer les investissements ne?cessaires. Conse?quence : le de?veloppement des installations serait stoppe? net, prédit Enerplan. » Il appelle par conséquent à maintenir le système de tarif d'achat, assorti comme aujourd'hui d'appel d'offres pour les installations de grande puissance. Il réclame en outre des objectifs crédibles de développement de l'énergie photovoltaïque et un cadre réglementaire stable sur une période « la plus longue possible ».

La position du SER s'inscrit dans la même veine. Elle rappelle tout d'abord que la France est déjà en retard sur ses objectifs (contraignants) en matière d'énergie renouvelable et s'expose au risque de ne pas atteindre 23 % d'énergie renouvelable dans sa consommation globale en 2020. Le SER pose par conséquent les conditions d'une intégration progressive et prudente des énergies renouvelables sur le marché. Le syndicat demande également un plan de relance des énergies renouvelables et rappelle que deux réformes structurelles sont à entreprendre : une véritable taxation des gaz à effet de serre et la réforme du marché de l'électricité à l'échelle européenne.

Enfin, il est peut-être ici utile de battre en brèche l'argument du « surcoût » des énergies renouvelables en rappelant les montants en jeu. Contrairement aux énergies fossiles et nucléaires qui bénéficient de subventions, payées par l'impôt et donc invisibles pour le consommateur, le soutien aux énergies renouvelables électriques apparaît sur la facture d'électricité des français. Il est compensé par une partie de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). En 2014, la part des énergies renouvelables dans la CSPE s'élève à 60,1 %, soit 9,91 €/MWh. Le soutien aux énergies renouvelables coûte par conséquent cette année à un ménage français moyen consommant 4 000 kWh (4 MWh)... 3,30 € par mois. Il ne s'agit pas là de coûts exorbitants justifiant que l'on sacrifie des filières industrielles créatrices d'emplois, bénéfiques pour l'environnement et en plein développement à l'échelle mondiale.

vincentboulanger-portraitVincent Boulanger
journaliste indépendant, correspondant en Allemagne de la presse spécialisée francophone.
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Article publié dans une version plus courte dans La Lettre des énergies renouvelables :

 

 En savoir plus :
La réponse du Cler
La réponse d'Enerplan
La réponse du SER

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