Dérives médiatiques : plus de mal que de peur
La critique des médias est à la mode. Et chacun croit être à l’abri des manipulations journalistiques. C’est une erreur qui touche tout le monde. Dans «Décryptez l’information. Pour ne plus vous laisser manipuler par les médias», je montre que le mal est plus profond encore qu’on le croit. Et j’invite tout citoyen à s’habituer à rechercher par lui-même la vérité.
Dans tout fait rapporté par un journaliste, le plus « objectif » semble-t-il, il y a nécessairement une part d’interprétation. Or, cet aspect capital, qui a d’énormes impacts sur le public, n’est jamais l’objet de débat. Il est, dit-on, du ressort de la seule liberté d’expression. Eh bien non, pas seulement. Il est aussi d’intérêt public qu’il garantisse une démarche rigoureuse et honnête.
Tout journaliste est capable, d’un même fait, d’en présenter deux versions contradictoires voire opposées, sans pour autant « mentir » ni fabuler. Nous sommes des professionnels de la « rhétorique », mot politiquement correct pour dire « manipulation ». C’est pourquoi, pour assurer le respect de l’intérêt du public, la liberté de s’exprimer doit s’accompagner d’un minimum de régulation.
Durant 45 ans, j’ai poursuivi le combat pour une « information responsable » (le titre d’un de mes trois premiers livres sur le sujet), longtemps et souvent seul, pour aboutir en 2007, avec quelques militants de la déontologie, à la création de l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP). Depuis, l’idée de mettre en place une véritable régulation de la profession fait son chemin. Elle rencontre encore bien des résistances, mes confrères confondant "régulation" et "contrôle" et craignant, à tort, pour leur liberté d’expression.
La création d’un Conseil de presse ne mettrait bien évidemment pas fin aux dérives médiatiques, mais elle faciliterait le débat public sur les buts et les conditions d’exercice de notre profession. Elle permettrait surtout d’offrir une oreille attentive aux plaintes du public, ce qui aurait pour principal effet d’abaisser sa rage face à l’arrogance de beaucoup de médias.
Et de gagner une plus grande crédibilité aux yeux de nos concitoyens.
En attendant qu’une prise de conscience émerge face à la nécessité de réguler le travail des professionnels de l’information (par eux-mêmes, les éditeurs et le public), j’ai estimé utile de m’adresser directement au public et de lui donner des armes pour affronter la déplorable situation actuelle. "Déplorable" : il suffit de lire la revue de presse quotidienne sur ces thèmes pour s'en convaincre.
Je montre au public, dans ce livre, que tout journaliste est capable, d’un même fait, d’en présenter deux versions contradictoires voire opposées, sans pour autant « mentir » ni fabuler. Je lui explique que nous sommes des professionnels de la "rhétorique", mot politiquement correct pour dire "manipulation"… Et que tout le système de l’information est fondé sur 36 800 "boîtes noires", c-à-d 36 800 cerveaux qui orientent à leur guise, selon la volonté de leur hiérarchie et leurs propres présupposés, sans régulation, la signification des faits dont ils rendent comptent.
Au final, la hiérarchie étant de plus en plus aux mains de certains intérêts particuliers, et la plupart de mes confrères n'ayant plus ni le bagage (épistémologique) nécessaire, ni la force, ni les moyens de se battre pour l'éthique, le sens de l’intérêt général se dissout au fil des éditions. Et le fossé se creuse entre le public et la profession...
A l’heure où la nature des informateurs se diversifie, les journalistes ont encore des cartes à jouer, celles de l’éthique, de la qualité et de la proximité avec le public.
S’ils ne les utilisent pas, ils seront doublés. Beaucoup pensent déjà que, grâce au Net, leur heure a sonné.
Jean-Luc Martin-Lagardette
Journaliste
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