Interstices
Pour relever le défi du développement durable,il ne faut rien négliger. La moindre ressource, physique ou sociétale, doit être valorisée. Mobilisons les interstices.
Dans le cochon tout est bon. Pas de morceau qui n’ait son utilité. Un maximum de rendement, pas de déchet. Cette illustration de pratiques traditionnelles et de la sagesse populaire réunies sied bien au développement durable.
Il faut tirer le maximum de services des ressources disponibles. Une des manières de faire est de ne pas laisser de Vides. Les interstices sont nombreux, entre des ensembles bien connus et répertoriés. Ce sont parfois des espaces Physiques, comme celui qui sépare les files de voitures, et qui est utilisé par des deux-roues. Une capacité supplémentaire de mobilité, sans investissement supplémentaire. Une aubaine. Elle présente malgré tout un Coût : celui de la sécurité. L’espace entre les files protège les véhicules en réduisant le risque de Choc, et c’est justement là que s’introduisent les deux roues, qu’aucune tôle ne protège. Il n’y a plus que l’habileté des conducteurs et leur sagesse qui puisse assurer l’absence d’Accidents, et elles ne sont pas toujours au rendez-vous. La cohabitation de véhicules différents permet un meilleur rendement de la voirie, mais suppose que les utilisateurs compensent par leurs comportements le rétrécissement de l’espace offert à chacun. A défaut, on sépare les flux, les voitures d’un côté, les Vélos de l’autre, par exemple. C’est alors se priver de toute possibilité de valoriser ces interstices, c’est perdre de l’espace public, si précieux en ville.
Les interstices sont aussi économiques. Une économie « informelle », et les entreprises d’insertion se glissent souvent dans ces vides, abandonnés des entreprises classiques, pour cause de non rentabilité. La récupération de déchets de tous genres, des vêtements aux huiles usagées et à la ferraille, est souvent prise en charge par de telles structures, dont la tâche consiste à explorer les interstices de la société pour y déceler les Petits gisements. Un double service est ainsi rendu, d’une part la récupération de matières en vue d’une réutilisation ou d’un recyclage, et de l'autre une opportunité pour des personnes en difficulté de retrouver un rôle dans la société, si modeste soit-il. C’est une version moderne de pratiques anciennes, dans nos campagnes : la vaine pâture et le glanage, la récupération fine de ce que les Systèmes traditionnels n’ont pas tiré parti. Dans cette logique, la diversité des culture s peut devenir un atout économique. Les gens du voyage rendent ainsi des services saisonniers mal pris en charge par les populations sédentaires. Ces approches interstitielles de l’économie peuvent jouer un rôle important, mais elles sont souvent mal vues et marginalisées. Elles ne sont pas, par nature, du même modèle que Les autres, et souvent on craint la différence au lieu de la valoriser. Il est vrai que le fonctionnement harmonieux de groupes sociaux très dissemblables ne s’improvise pas. Il faut des Qualités d’écoute et une attention particulière aux modes de faire des autres, qui font souvent défaut. Il y a de l’efficacité à gagner dans la diversité, encore faut-il la reconnaître et s’y préparer si l’on veut réduire les risques de dysfonctionnement.
Les interstices constituent aussi des lieux de liberté, où l’on peut se cacher, pousser des expériences hors normes, exprimer une créativité personnelle ou collective. Des pratiques anciennes s’y réfugient, qui pourraient bien un jour reprendre du service. Un foisonnement sauvage, où se côtoient l’archaïque et le futuriste, à cultiver sans l’enfermer dans des règles.
Qu’ils soient physiques ou économiques, les interstices peuvent être mis à Profit, mais attention aux frottements. La proximité renforcée, sans Distances de sécurité, peut provoquer des difficultés de contact, et même des accidents comme sur la Route. Ces risques ont souvent entraîné l’abandon de cette source de richesses, mais peut-on se le permettre à l’heure du développement durable ? Il va falloir faire en sorte que cette proximité change de nature. Son intérêt, les avantages qu’elle procure, doivent conduire à une attitude d’ouverture et d’écoute réciproque. Pas de développement durable sans intérêt pour la différence, et c’est là un chalenge sociétal à relever. Une attitude et des comportements, mais aussi une organisation sociale, qui ne supprimera pas tous les risques, qu’il convient de les maîtriser. L’obligation que nous fait le développement durable d’aller vers la réduction des espaces de sécurité nous amène à s’interroger sur ces risques, sur la manière dont ils se manifestent, et sur la manière de s’en prévenir.
Les interstices ont un sens, ils traduisent un état des techniques et des organisations sociales. C'est leur suppression qui n’aurait pas de sens, elle exclurait une partie de la population, et serait une privation de Richesses diverses, atypiques pour certaines, mais néanmoins appréciées. Il convient non seulement de les accepter mais de les valoriser, de leur permettre de s’épanouir en leur accordant Droit de cité. Une bonne affaire pour tout le monde. Comme les soupirs et les notes qui s’harmonisent pour faire de la Musique.
Chronique mise en ligne le 29 mai 2011
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