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Organisations sociales

Justice

justiceL’approche globale, planétaire, est toujours difficile à prendre en charge par la justice. Une question d’échelle, dans le temps et l'espace. Malgré les obstacles, un droit international se constitue. La justice climatique et d'une manière plus générale une justice des biens communs, est en train de prendre corps.

Longtemps, la justice n’a pas été clémente vis-à-vis de l’environnement. La théorie du bilan, notamment, a souvent été mise en avant pour noyer l’environnement dans un ensemble d’intérêts qui justifiaient tous les manquements aux règles établies. Les directives européennes sur la protection de la nature ont progressivement permis aux enjeux environnementaux d’être reconnus à leur juste valeur, avec une utilisation parfois activiste du droit du côté de certaines associations. Une forme de réponse du berger à la bergère. Mais il s’agit alors d’opérations précises, sur un territoire donné, alors que la question environnementale se pose également en termes globaux. La justice peut-elle prendre en charge cette évolution, cette pression qui s’exerce par-dessus les frontières, les atteintes à la planète, aux océans, au climat ? Le sommet de la Terre de 2012, à Rio de Janeiro, marque l’officialisation de ces questions, notamment avec ses conventions cadre qui en sont issues, sur le changement climatique et la biodiversité notamment. Depuis, la mise en pratique a pris de l’ampleur, sous la pression de la société civile.
Il y a un an, en avril 2017, s’ouvrait le procès symbolique de Monsanto devant un tribunal ad hoc, un tribunal sans fondement juridique, mais composé de magistrats professionnels. Une première qui s’inscrit dans un cheminement continu d’inscription dans le droit des atteintes au patrimoine naturel, et par suite à l’humanité. Au centre des enjeux, le climat et la biodiversité. On parle d’écocide et de justice climatique. On parle d’élargir le champ des crimes contre l’humanité, pour y inclure l’environnement, ou bien de créer une cour pénale environnementale. En France, le naufrage de l’Erika et la marée noire qu’il a provoquée ont conduit la Cour de cassation, dans un arrêt de 2012, à reconnaître un préjudice écologique pur, au-delà des intérêts personnels directs. Il est aujourd’hui question d’introduire le climat dans la constitution à l’occasion du projet de réforme en cours. Les droits de l’humanité vont venir enrichir les droits humains, avec la conviction que « les droits fondamentaux des êtres humains et les devoirs de sauvegarder la nature sont intrinsèquement interdépendants ».
Bref, la pression monte.
En marge de la conférence de Copenhague, en décembre 2009, la Micronésie avait attaqué la République Tchèque au sujet d’une centrale thermique grosse émettrice de CO2. Le CO2 n’a pas de frontières, et le changement climatique peut être provoqué ou aggravé à des milliers de kilomètres du lieu où il produit ses effets. 2014, une directive européenne renforce le champ des études d’impact sur l’environnement, en introduisant les incidences du projet sur les populations, la santé humaine, la biodiversité et les terres. Directive transposée en droit français en 2016, avec mention des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique. La loi pour la reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 a introduit le préjudice écologique dans le Code civil, défini comme « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement ». La même année, la Cour Pénale Internationale décide d’élargir son champ d’action aux crimes environnementaux notamment en ce qui concerne l’exploitation illicite des ressources naturelles, l’appropriation illicite de terres ou encore la destruction de l’environnement.
Nous sommes encore au milieu du gué, mais les décisions de justice climatique, par exemple, se multiplient et ont atteint le chiffre de 700 aujourd’hui. Une jurisprudence se constitue, qui reconnait l’existence d’intérêts collectifs au-delà des préjudices dont tel ou tel pourrait être victime. Un intérêt collectif qui dépasse la somme des intérêts particuliers et pourrait permettre de conjurer la malédiction des biens communs, si bien décrite par Elinor Ostrom dans « Gouvernance des biens communs, Pour une nouvelle approche des ressources naturelles ». Les « droits de l’humanité » vont entrer dans les mœurs. Une « révolution judiciaire » pour reprendre l’expression de Christian Huglo.

Merci à Christian Huglo, auteur notamment de « Le contentieux climatique, une révolution judiciaire mondiale » aux éditions Bruylant, de m’avoir alerté sur le sujet, et à la Fabrique écologique pour sa note de « décryptage » de février 2018

 
 
 
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