Diversité
La mondialisation laisse parfois penser que la diversité et le « sur mesure » sont à classer au rayon « nostalgie ». Ce sont au contraire des valeurs de progrès et de dynamisme économique et sociétal.
Quel est le meilleur atout d’un pays qui produit 400 fromages différents ? La diversité.
Réponse simple, dont il ne semble guère que l’on ait tiré toutes les conséquences. Sa situation géographique, à l’extrémité d’un continent, a fait de la France métropolitaine une terre de cocagne. Plusieurs climats s’y rencontrent, et les productions qui vont avec ; trois mers la baignent ; sa morphologie et ses Reliefs lui offrent une variété exceptionnelle de paysages ; elle a accueilli au cours de son histoire un grand nombre de Populations venant de l’Est, du Sud et du Nord, dont elle a hérité les cultures et les savoirs. Lieu de rencontre de tous genres, à la fois géologiques et démographiques, biologiques et commerciaux. Et il faudrait y ajouter l’immense diversité qui lui vient d’outre-mer. Une richesse extraordinaire, donc, pour notre pays. Mais une richesse difficile à contrôler, en embrigader. La France des 400 fromages serait ingouvernable !
La mondialisation n’est pas d’aujourd’hui, elle est en marche depuis que les navigateurs ont ouvert les routes des Indes, orientales puis occidentales. Mais elle a pris une nouvelle forme. La mondialisation telle que nous la percevons est une incitation au XXL. Il faut du gros, du très gros, pour affronter les vents du large, pour jouer dans la cour des grands et faire jeu égal. Quelle chance pour les jacobins, ceux qui luttent depuis des siècles pour réduire les poches de résistance régionales. Il faut des grandes séries, nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de cette diversité. Le morcellement que cette dernière entraîne serait incompatible avec la production de masse. « Small is beautyfull », c’est pour les rêveurs et les idéalistes. Le syndrome « Le Pape, combien de divisions ? » s’étend de la puissance militaire à l’économie, à la culture et même à l’éducation. Les langues régionales, témoin de la diversité de nos origines, peuvent enfin être mises au rencart. On s’aperçoit que nos « grandes écoles » sont petites, il faut les regrouper ! Mondialisation et concentration des pouvoirs, politiques, sociaux et économiques, se renforcent mutuellement. Adieu la diversité et la richesse dont elle est porteuse.
Le discours est bien rodé, il nous faut des « champions », des grandes entreprises qui rayonnent dans le monde. Les PME, les TPE et les artisans, voilà des gens sympathiques, nous leur souhaitons bonne chance, mais une multitude de « plafonds de verre » sont institués pour qu’ils restent à leur place. En deuxième division, voire en division d’honneur. Des roturiers, en quelque sorte, par rapport à l’aristocratie des « champions ».
Le problème est que la mondialisation a besoin d’autre chose. Elle a besoin de créativité, dans un monde qui change très vite, sous la pression de deux phénomènes : l’émergence de nouveaux pays, avec une hausse rapide des besoins à satisfaire, et la prise de conscience de la « finitude » de la planète. Un formidable défi à relever au cours des prochaines décennies, avec de l’innovation tant technique que « sociétale ». Mais celle-ci ne se plait pas forcément dans les grandes structures. La hiérarchie et la pesanteur des chaines de décision sont peu favorables à l’originalité, et même parfois à la transgression, qui peuvent ouvrir de nouvelles pistes. L’esprit d’entreprise et même d’aventure, sont confinés dans des règles comptables. La finance, dont on sait qu’elle na pas le goût du risque, préfère exploiter les brevets existants, les faire durer par tous les artifices possibles, que suivre quelques explorateurs du futurs, avec les Echecs qui peuvent survenir. L’innovation est au contraire fille de la confrontation, de l’indépendance d’esprit, de la diversité.
Bien sûr, il faut des champions. L’investissement dans certaines filières demande des moyens considérables. Mais il s’agit plus de pousser les techniques le plus loin possible, que de concevoir de nouvelles manières de répondre aux besoins. Ce n’est pas inutile, et il y a d’immenses Progrès à faire dans l’amélioration de ce que nous faisons déjà, et les champions doivent être les premiers dans leurs domaines. Attention toutefois à l’aveuglement. Faut-il, par exemple, que les groupes pétroliers s’acharnent à trouver de nouveaux gisements, à exploiter dans des conditions de plus en plus délicates, plutôt que d’investir massivement sur l’économie de demain, « post carbone » ?
Mais à côté de ces grands groupes, il faut de petites entreprises, vives et dynamiques, qui peuvent explorer les voies originales. La diversité est un atout oublié. La puissance des grandes structures, leur complicité avec l’administration qui n’aime pas trop le « diffus », si difficile à suivre, le jacobinisme toujours présent, ont maintenu notre économie dans la voie du « toujours plus grand ». La France a longtemps cru, et croit sans doute toujours, que son statut de grande puissance exige cette orientation. Avec 1% de la population mondiale, il est clair que ce n’est pas la carte à jouer.
Maintenons et renforçons les « positions » tenues par nos grands groupes, d’accord, mais l'avenir est ailleurs. Nos futurs succès ne sont pas dans la production de masse, mais dans les produits clés, les « Epices » qui donnent de la Valeur aux choses banales, la petite série hautement personnalisée, l’originalité et l’attractivité de produits décalés. Les 400 fromages. Le talent des créateurs.
Le domaine de la ville de demain, qui devra être « durable », est un des champs où l’offre française remporte des succès. Un domaine reconnu dans la stratégie pour le commerce extérieur de la France, présentée par Nicole Bricq le 3 décembre dernier, et articulée autour de la réponse à des besoins fondamentaux : Mieux se nourrir, Mieux se soigner, Mieux communiquer, et Mieux vivre en ville. Ce dernier domaine est étendu, ingénierie urbaine, architecture, construction et efficacité énergétique, matériels et services environnementaux, transports urbains, et les grands groupes y cohabitent avec de petites entreprises pour le bonheur de nos exportations. Mondialisation n’est pas synonyme de XXL. « Small is beautyfull » retrouve des couleurs.
« L’ennui naquit un jour de l’uniformité ». La créativité est fille de la diversité. Une vertu ancienne, souvent combattue, qu’il convient de cultiver sans modération.
Chronique mise en ligne le 4 février 2013
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