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Le dictionnaire du développement durable pour tous | dominique bidou dbdd

Prendre prise sur un monde insaisissable

Nous vivons une époque paradoxale. D'un côté, nous sommes de plus en plus éduqués, nos étudiants sont de plus en plus nombreux, nous avons accès à une information extraordinaire grâce à Internet, aux innombrables chaînes de télévision. Bref, nous nous sentons en mesure de prendre notre destin en main. Nous voulons participer pleinement aux décisions, nous voulons comprendre celles qui sont prises en notre nom. Une forte exigence d’empowerment ou d'« empuissancement » comme disent nos amis québécois, de décider quel sera notre avenir. Et de l'autre, nous voyons un monde d’une complexité infinie, avec des interactions dont le nombre s'accroît de jour en jour, des interlocuteurs inconnus, des problèmes inédits et globaux, en perpétuelle évolution, avec une accélération du temps (source d’aliénation selon Hartmut Rosa) dans laquelle nous sommes emportés, bref un monde incontrôlable et un avenir de plus en plus incertain. Nous voulons plus de prises sur un monde insaisissable.

Face à cette équation insoluble, la frustration nous guette, et même le stress. Le moral est au plus bas, certains dépriment, d’autres se replient sur eux-mêmes et le confinement n’a rien arrangé. La confiance en soi, la foi en son avenir, s’effritent. Comment, dans ces conditions, relever les défis qui nous attendent, transformation de l’économie, dérèglement climatique, inégalités, etc. Il en faut de l’énergie, de l’audace, pour avancer sur tous ces champs et vaincre les résistances au changement qui ne manqueront pas de se manifester.

Une première réponse est de se concentrer sur son environnement immédiat, là où chacun peut exercer son influence. Parmi les initiatives que l’on observe sur la mise en œuvre de la transformation sociale attendue, il y a de nombreuses actions locales, une ville, un quartier, un « pays ». Elles sont parfois globales, comme les « villes en transition », mais elles ont la plupart du temps une « porte d’entrée » particulière, comme l’alimentation, la lenteur, les énergies locales, etc. Mais une fois la démarche engagée sur cet aspect, elle s’étend rapidement à d’autres domaines, elle concerne alors le mode de vie, les relations sociales, l’aménagement du temps, la monnaie… La raison en est que le projet initial a permis à de nouveaux réseaux de se constituer, de faire tomber des barrières culturelles ou institutionnelles, et de créer une envie de changement sur la base des premiers succès. Ces « clusters » de développement durable restent toutefois fragiles, à la merci de mouvements des uns ou des autres pour des raisons professionnelles ou familiales, et souvent confrontés aux structures traditionnelles qui restent présentes aux alentours, n’attendant qu’une occasion de reprendre le territoire qu’elles ont perdu. Elles cherchent à se consolider en s’organisant et en recherchant une forme de reconnaissance officielle. Les territoires zéro chômage de longue durée, par exemple, se sont constitués en association et sont portés par une loi, en tant qu’expérience susceptible d’être étendue par la suite. Le développement de ces « laboratoires du futur » est donc conditionné à la fois par une forte mobilisation locale et une implication des pouvoirs publics, deux ingrédients incontournables. Offrir des perspectives, susciter des projets devient ainsi une des réponses les plus efficaces au besoin de chacun d’agir sur le monde.

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