Concorde
Il y a 50 ans, l’aventure du Concorde prenait son envol. Le mythe de la vitesse reste encore fort aujourd’hui. Un piège dont il faut sortir pour imaginer un mode différent.
Concorde, un four commercial, reste pour beaucoup une épopée. Une grande aventure industrielle, qui a permis des développements originaux, et marqué une époque. Une aventure qui prend fin le 26 novembre 2003, date du dernier vol opéré par British Airways. Il y a 9 ans.
La nostalgie qui entoure le Concorde est inquiétante. Elle manifeste un attachement à des Valeurs largement dépassées aujourd’hui, et qui illustrent le phénomène « fausse bonne idée ». Et ce n’est pas le moment de se tromper, en pleine recherche de nouveaux modèles de développement.
Les difficultés de Concorde étaient-elles prévisibles ? Il y a donc 50 ans que le projet est lancé, par la signature du contrat entre les constructeurs français et britannique, le 29 novembre 1962 précisément, en pleines « Glorieuses ». Premier vol commercial en 1976, après les Chocs pétroliers, lesdites glorieuses touchent à leur fin. Sur l’autel de la Vitesse ont été sacrifiées toutes considérations au Bruit et à l’énergie. Ajoutons un Prix de voyage hors d’atteinte pour la plupart d’entre nous. Un Avion obsolète dès son premier vol commercial, si on se réfère aux valeurs de Qualité de vie et d’Economies de Ressources. Pour ne prendre qu’un aspect particulier, comment imaginer une extension de l’agglomération parisienne dans une zone de bruit « Concorde » si celui-ci avait connu les développements envisagés ? A combien évaluer le montant de la dépréciation des dizaines de milliers d’Hectares du Nord-est parisien ?
Quant aux retombées industrielles, aux innovations technologiques, elles sont pour l’essentiel dues aux sommes investies. Heureusement qu’il y en a eu, à ce prix-là ! Le Concorde est une affaire de prestige, d’image d’une France conquérante, et c’est pour ça qu’il est encore vénéré, malgré tous ses Défauts. Faut-il pour autant en garder une nostalgie, et le garder en référence d’un succès industriel, à défaut de commercial ? Ce serait une erreur, à ne pas commettre au moment du « redressement productif ».
La vitesse reste une valeur dominante. Elle est associée à un Statut, aussi bien pour chacun d’entre nous, au volant de sa voiture, que pour les Etats, qui poussent des projets tels que le Concorde. La vitesse est associée à la modernité, mais il s’agit bien d’une inertie de nos modes de pensée. Les Automobiles sont encore calibrées pour des vitesses qui ne seront jamais pratiquées. C’est l’Image des constructeurs, nous dit-on. La voiture est un produit international, et tant que la Culture de la vitesse existe quelque part, il faut s’y plier. Drôle d’argument qui coûte une fortune au consommateur, dont la voiture est alourdie par les Équipements nécessaires pour rouler à une vitesse qu’il n’atteint jamais. Et qui coûte à la planète, du fait de cette Consommation supplémentaire liée au poids, et sans effet sur notre qualité de vie. La modernité réside dans l’efficacité, le meilleur service rendu avec le minimum de ressources consommées.
La vitesse crée de l’émotion. Le succès des Courses de toutes natures en témoigne. Voilà une bonne manière de populariser une marque, un produit, une technique. L’esprit de Compétition est là, nous prenons facilement parti pour un concurrent, nous vibrons au rythme de sa progression. La course de vitesse est devenue la voie royale pour assurer la notoriété de nombreux sponsors. L’ennui est de cultiver aveuglément une valeur, la vitesse. Celle-ci est sans doute déterminante dans certaines situations, pour les secours par exemple, mais à l’heure d’Internet il y a bien des manières d’être efficace sans devoir foncer à toute vitesse, et à n’importe quel prix. Peut-on créer de l’émotion avec autre chose que la vitesse ?
Ce serait d’autant plus nécessaire que la vitesse est mise en avant là où elle n’a pas sa place. Elle peut alors être contre productive. Les grandes courses au large en donnent une illustration frappante. Faut-il associer l’image de la marine à voile à la vitesse ? Il est permis d’en douter. Il y a bien sûr le loisir, et le Plaisir de filer sur la Mer sans autre bruit que celui des éléments, de ressentir les caprices des Vents et des courants, et de les apprivoiser. Un plaisir à rendre aussi accessible que possible, à rendre populaire. Le Tour du monde en solitaire, et sans assistance, y contribue-t-il ? Les efforts de recherche technique sur les bateaux sont mobilisés pour les besoins d’une course de cette nature ; ne seraient-il pas plus utiles pour améliorer les voiliers de tous les jours ?
L’intérêt de la Voile va bien au-delà des loisirs. C’est aussi une Source d’économie d’énergie, une manière de capter l’énergie du vent, gratuite et sans émission de pollution ni de gaz à effet de serre. Le prix du carburant conduit aujourd’hui à s’interroger sur la voile pour les bateaux de pêche et pour les cargos. Il y a là des exploits à réaliser, pour réduire la facture énergétique. Des nombreuses initiatives ont déjà été prises dans le monde, et en France le pôle de compétitivité Mer Bretagne s’y emploie activement. Il faut juste créer de l’émotion autour, pour attirer l’attention, pour les rendre populaires. Quelle partie visible de l’iceberg mettre en avant, pour permettre à la partie cachée de croître et embellir ?
Valoriser la vitesse, avec des courses, c’est justement mettre l’accent sur ce que la voile ne peut apporter. C’est se mettre sur le terrain le plus difficile. Allons, un peu d’imagination ! Comment créer de l’émotion sans exciter la fibre de la vitesse ? Concorde a traduit et renforcé l’équation modernité = vitesse. Il faut sortir de ce piège, et proposer d’autres visions, d’autres manières d’attirer l’attention et de créer du désir, vers un avenir original, qu’il nous reste à construire.
Chronique mise en ligne le 25 janvier 2013
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