Hors sol
Parmi les ressources limitées, il y a la terre. Elle est à la fois un « facteur de production », et le lieu d’accueil de notre habitat et de nos activités. Pour la préserver, la tendance au « hors sol » se développe.
C’est la fin de l’été, comme dit la chanson. Bientôt les tomates vont redevenir fades. Fruit préféré des français, il provient de plus en plus de cultures hors sol, sur des supports artificiels, et en toutes saisons, obtenu avec force produits chimiques, et beaucoup d’eau et d’énergie.
Les bonnes vieilles tomates de nos jardins, tachées de terre, sont reléguées au rayon « nostalgie », en attendant le musée Grévin.
Et pourtant, la terre est rare, il nous faut l’économiser, et, pourquoi pas, savoir s’en passer ou encore en recréer. Voilà une nouvelle piste qui se fait jour, l’agriculture urbaine. Au début, dans nos pays développés, on s’est contenté des balcons et autres jardinières, pour y faire pousser quelques herbes aromatiques, qui agrémentent notre ordinaire. Parallèlement, pour des raisons d’esthétique, de paysage urbain, ainsi que pour lutter contre la Pollution atmosphérique et le célèbre « ilot de chaleur urbain », on a imaginé des Murs végétaux. Le lierre et la vigne vierge n’on trouvé qu’une place modeste en ville, on peut le regretter, mais les véritables tableaux végétaux de Patrick Blanc et de quelques autres ont redonné un élan à ces espaces verts verticaux, que l’on voit fleurir aujourd’hui. Dernier évènement en date sur ce point, aux Clayes-sous-Bois (Yvelines), un centre commercial a ouvert ses portes mercredi 5 septembre dernier, avec un mur végétal annoncé comme le plus grand du monde, 2000 m²(1). Voilà une source de chlorophylle qui ne consomme pas d’espace.
Pourquoi pas ne pas aller plus loin, et changer d’Echelle pour la production alimentaire ? Le concept d’empreinte écologique et les différents bilans « matière » que l’on peut imaginer pour les villes conduisent à s’interroger sur la capacité productive des tissus urbains. L’agriculture urbaine est ainsi réhabilitée dans les Interstices en pleine terre, à conserver pour de nombreuses raisons, notamment l’écoulement de l’eau de pluie, le microclimat et la biodiversité, mais aussi en hauteur, au-dessus des maisons. Ce sont les toitures végétalisées, dont les fonctions sont multiples, isolation thermique, rétention d’eau, lutte contre la pollution atmosphérique, biodiversité et régulation climatique. Tout ça est bien, mais pourquoi ne pas produire de l’alimentation pour les habitants des environs ? Cela leur fournirait en outre une occupation souvent appréciée. On a ainsi vu des projets futuristes, comme Dragonfly, un « Central Park nourricier cultivé à la verticale », conçu pour New York entre l’île de Manhattan et le quartier de Queens par l’architecte belge Vincent Callebaut. Voici une « ferme métabolique pour l’agriculture urbaine », où « la Tour superpose des élevages assurant la production de viande, de laitage, de volaille, et d’œufs, et des sols agricoles, véritables réacteurs biologiques régénérés en continu en humus organique. Les eaux récoltées subissent un traitement biologique approprié pour leur réutilisation agricole, apportant tout l’azote et une bonne partie du phosphore et du potassium requis pour la production des fruits, légumes et Céréales ».
Autres pays, autres approches. Le journal « Le Monde (2) » nous apprend qu’en Chine, où la terre arable est rare compte tenu de la population, les balcons des villes et les caves se transforment en potagers, avec le développement d’une économie spécifique. Mais c’est dans les villes africaines, plus précisément les bidonvilles, qui font preuve de Créativité dans ce domaine. Toujours d’après « Le Monde », « de petits jardins potagers ont poussé hors sol, abrités dans des Sacs résistants ». Une forme inédite d’agriculture urbaine, qui permet de produire des légumes et de réduire en partie la malnutrition qui sévit dans ces villes. Un phénomène salué au cours du récent Forum mondial des villes, à Naples.
Entre ces deux extrêmes, de la tour géante et productive grâce à des méthodes sophistiquées d’une part, et l’agriculture en sac, ou à défaut dans de vieux pneus, l’agriculture hors sol revêt des formes multiples. A Montréal, (Québec) un ocllectif de recherche en aménagement paysager et agriculture urbaine durable (CRAPAUD) (3) a commencé par créer plusieurs jardins collectifs sur le territoire de l’Université du Québec, deux sur les toits, une dizaine de jardins au sol et deux en bacs. Il conduit des recherches et anime des ateliers. A Paris, sur les toits d'AgroParis Tech, les ingénieurs Nicolas Bel et Nicolas Marchal, ont installé un potager expérimental et testent des méthodes de cultures. Un laboratoire d’urbanisme agricole s’est constitué, LUA (4), pour développer des techniques adaptées à nos villes. Une première opération de ce type est prévue à Romainville (Seine St Denis), en toiture d’immeubles HLM. Ce seront des serres, sur 1600 m² dont 1000 pour des cultures en bacs, rempli d’une terre spéciale. 24 espèces de fruits et légumes pourront ainsi être cultivées dans ces serres non chauffées. Les tomates vont peut-être reprendre du goût !
1 - Selon lemoniteur.fr, | 05/09/2012 | Innovation chantiers : Le plus grand mur végétal au monde : un écrin pour 35.000 m² de commerces. « Patrick Blanc a réalisé 2000 m de façades végétalisées qui comportent 46.530 plantes, de 285 espèces différentes »
2 - Daté du 5 septembre 2012, rubrique Planète
3 - http://www.crapaud.uqam.ca/
4 -http://www.lua-paris.com/
Chronique mise en ligne le 17 décembre 2012
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