Tabac
Affirmer que le tabac et le DD peuvent faire bon ménage, ça va faire un tabac ! Oui le tabac est mauvais pour la santé, et les fumeurs empestent ! Le coup personnel et collectif du tabac est très élevé. Mais c’est une source de plaisir, et on ne peut rejeter brutalement un plaisir sans y regarder de plus près. Les inconvénients doivent être mis en relation avec les avantages, pour pouvoir faire un bilan.
Je vous rassure, je ne fume pas et n’ai jamais vraiment fumé, parce que je n’y ai pas pris goût. Ça n’empêche pas de s’interroger sur le tabac, phénomène de société, qui se perd dans la nuit des temps, et qui joue incontestablement un rôle important dans la vie sociale.
Commençons par éliminer le tabac fumé par habitude, sans donner un réel plaisir. Les cigarettes allumées en série avec le mégot de la précédente, voilà un cas de figure facile à traiter. Tout faux.
Une autre clé d’entrée est la dépendance. Ce n’est pas bon de dépendre d’un produit, d’être obligé d’en consommer régulièrement pour éviter d’être en manque. La quête du plaisir est remplacée par celle de la non souffrance. Dommage. La dépendance peut aussi l’être par rapport à un modèle de comportement, à une image valorisante. Ce sont les moteurs largement utilisés par la publicité, le fameux cowboy de Malboro par exemple. Il faut fumer pour être quelqu’un, voilà une ligne à combattre sans relâche, en lui substituant probablement d’autres manières de montrer sa personnalité. Ce n’est pas en disant non que l’on gagne, mais en proposant d’autres choix, qu’il faut rendre plus valorisant.
Faisons un sort également aux sales enfumées, qui obligent de fait toute l’assistance à inhaler les volutes bleues, et créent une atmosphère épouvantable. Inscrivons dans cette catégorie les voitures, petits habitacles vite envahis par la fumée dont tous les passagers profitent, et notamment les enfants bien entendu.
Reste le tabac plaisir, contrôlé, consommé sans gêner l’entourage ou enfumer les non fumeurs. Pourquoi pas ? Avec modération, bien sûr, et en privilégiant les produits de qualité, les tabacs bio, il doit bien en exister. La plante tabac est peut-être nocive, mais elle doit l’être encore plus si elle est imbibée de substances chimiques, genre pesticides ou engrais. Nous prenons du plaisir à manger et à boire, et aussi en respirant de bonnes odeurs. Tous les sens de notre corps doivent être sollicités, et le tabac est sans doute pour certains une des manières de faire pour les papilles. Attention toutefois à ne pas les polluer, et à se priver ainsi du goût d’autres nourritures. Ce serait pécher. Il est surement nécessaire de rappeler que le tabac tue, mais ça ne parle guère à ceux qui passent outre cette injonction. Un message à leur attention, plus axé sur la bonne manière de fumer, en valorisant une attitude de gourmet versus gourmand, serait peut-être utile…
Il y a des précautions à prendre, sur la manière de fumer, la combinaison avec l’alcool, et ce que l’on fume, cigare, pipe, cigarette, filtre, etc. Chaque mode doit bien avoir des avantages et des inconvénients, mais on n’en parle guère, puisque la condamnation du tabac est radicale. Il parait juste que le narguilé est peu recommandable. Un peu juste comme conseil, même s’il est exotique. Merci aux lecteurs de ce blog qui auraient des lumières sur les effets comparés des modes de prise de tabac de se livrer à tous les commentaires utiles.
Voilà donc le bon tabac revenu en odeur de sainteté, à condition d’en bien user et de ne pas enfumer les autres. Du plaisir, mais aussi de la discipline, pour ne pas tomber dans de fâcheux excès. Le développement durable nous conduit toujours à la complexité.
Ce n’est pas fini. Il faut penser à l’usage, mais aussi au cycle de production. Est-il raisonnable, au moment où l’on demande à l’agriculture de fournir nourriture, énergie, matières premières de toutes sortes, de continuer à produire du tabac ? La terre est devenue un bien rare, et l’hectare est l’unité de mesure de notre empreinte écologique, de notre poids environnemental sur la planète. Et comment vivent les paysans producteurs de tabac, sont-ils pressurés, exploités par des négociants sans scrupules qui leur rachètent leur récoltes à bas prix ? C’est sans doute vrai dans certains cas, mais ce n’est pas une fatalité, et le tabac équitable doit être possible, il existe peut-être déjà. Si cela a été possible pour le café, pourquoi pas pour le tabac, qui est plus réglementé ? Le tabac, c’est comme la vigne (je sens que j’aggrave mon cas), le produit doit ensuite être travaillé, et la manière de faire est déterminante. Toute la filière doit être passée au crible, pour lutter contre toutes les atteintes éventuelles à l’environnement, et favoriser le développement local. La concurrence avec les cultures vivrières, et la forte valeur ajoutée du tabac doivent être pesées et confrontées, de manière à trouver un bon équilibre, s’il y en a un. Les phases de transformation, de transport, d’emballage, sont à examiner pour veiller à réduire les besoins en énergie, et toute forme de dégradation de l’environnement, comme pour les autres activités. Il y a certainement des progrès à faire de ce côté, ce n’est pas parce qu’il s’agit de tabac qu’il faut s’en priver. Ajoutons la qualité de vie de l’ensemble des personnes qui travaillent sur la filière, avec l’accès rendu possible à l’éducation, à des conditions d’hygiène, et le tabac, toujours sous conditions d’un usage modéré, le tabac plaisir, pourrait bien devenir un vecteur de développement durable. Pari audacieux, sans doute, mais qui offre un cadre de réflexion pour une évolution, toujours bon à prendre à la place d’une guerre de tranchées.
Résumons : des agriculteurs bien payés, qui conservent des cultures vivrières à côté des plantations de tabac, dont les enfants vont à l’école, qui vivent dans des maisons saines ; un process de transformation économe en énergie et respectueux de l’environnement, qui offre des emplois de qualité et ouvrent la voie à une promotion sociale ; une réflexion en profondeur sur l’emballage, le conditionnement, le papier, et le transport ; une information du consommateur sur les effets comparés des modes de consommation du tabac, accompagné de la valorisation des bonnes pratiques. Voilà un bon programme. Pas sûr que ça suffise, mais rien n’empêche d’en parler. Il y a un mode de prise de plaisir à sauver. J’en parle d’autant plus que je n’y goute pas personnellement, et ça vaut le coup de s’y coller, c’est une affaire de principe. Développement durable et plaisir doivent aller de pair.
Chronique publiée le 13 décembre 2007
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