Impossible
Impossible : Un mot qui nous permet d'aborder le pire et le meilleur, ce qui ne devrait jamais arriver, et ce dont nous n'osons rêver. Un mot très riche pour évoquer le développement durable.
Le naufrage du Costa Concordia, voilà bien un événement impossible. Qui aurait cru qu'un paquebot aussi important, aussi bien équipé, aurait pu ainsi s'échouer sur les rochers et provoquer la mort ou la disparition de dizaines de personnes, des risques de pollution marine, et un sinistre économique de grande ampleur.
Ce n'est pas le Titanic, mais c'est bien la preuve que des événements tout à fait improbables se réalisent quand même. Certainement un concours de circonstances, des comportements inadaptés, des erreurs humaines, mais le résultat est bien là.
Il y a quelques mois, c'était un tremblement de terre et surtout un tsunami qui provoquaient, au Japon, une catastrophe que chacun pensait « impossible ». Ces événements nous rappellent que le risque zéro n'existe pas. Au-delà, ils nous disent qu'un risque infime, de probabilité infinitésimale, n’empêche pas des catastrophes de se produire.
On aurait tort de ne pas considérer cette éventualité, tout comme on aurait tort de se replier sur soi-même et de ne plus rien faire de crainte d'un événement de ce type. Il faut trouver non pas un juste milieu, qui n'a guère de sens quand la catastrophe se produit, mais le cheminement qui permet de réduire les risques et de ne prendre de risques majeurs et irréversibles qu’avec le maximum de précautions. On retrouve de la procédure, du contrôle, mais aussi de la formation et de la mobilisation en permanence des principaux acteurs. Parmi les écueils à éviter, se trouve la banalisation, l'habitude qui conduit les plus prévoyants à baisser insensiblement la garde. Le syndrome du désert des Tartares est toujours bien vivant.
Le principe de précaution apporte des éléments de réponse à cette préoccupation. Il ne s'agit nullement de ne rien faire, et de se trouver tétanisé à l'annonce du moindre danger. Bien au contraire, ce principe organise la prise de risques, en proposant une marche à suivre quant un risque très important se manifeste. Il pose des garde-fous pour favoriser l'innovation sont tomber dans de folles aventures.
Le développement durable est une invitation à l'innovation, à l'exploration de champs nouveaux pour le développement de l'humanité. Il en faut des performances techniques pour permettre à 9 milliards d'êtres humains de vivre convenablement, il en faut des recherches d'organisations sociales et économiques pour harmoniser et rendre compatibles des modes de vie et des cultures très variés et qui doivent le rester.
Impossible. Nombreux étaient, en plein cœur des discussions du Grenelle de l'environnement, ceux qui pensaient impossibles les Performances exigées de nos bâtiments neufs des 2012. Nombreux sont encore ceux qui ne pensent pas que nous puissions parvenir à ce fameux facteur 4, à savoir diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Il s'agit bien d'exploits qui font appel au talent et au génie humain. Exploits sectoriels, pour améliorer les performances de tel produit, ou de telle machine. Exploits collectifs, avec des trésors de management, pour conjuguer les apports de chacun et atteindre des niveaux que personne ne pourrait atteindre isolément.
Le secteur du bâtiment n'était pas le mieux placé pour montrer la voie. Multiplicité de petites entreprises, éclatement des métiers tant pour la conception que pour la réalisation et ensuite l'exploitation, culture de la tradition. Des handicaps sérieux pour une entreprise collective de grande ambition, et pourtant une réelle mobilisation et des progrès indéniables. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais la dynamique est lancée. Tout semble impossible à ceux qui n'ont jamais rien essayé, nous dit Jean-Louis Etienne. Et bien ils ont essayé, et ça marche.
C'est justement cet « impossible » que le développement durable nous conduit à rechercher. Le bon sens peut alors se révéler un frein redoutable. L'innovation nous pousse souvent à la transgression, au refus d'évidences qui ne sont au fond que des hypothèses. La tradition, si riche et si respectable, peut rapidement devenir une prison, ou au moins nous imposer des œillères. Le champ du possible est alors artificiellement réduit, et la fatalité de l'impossible s'impose.
Le développement durable serait-il ainsi l'ennemi du bon sens et de la tradition ? Oui si l'on accorde à ces mots un sens sacré, avec une valeur absolue. Non si le bon sens et la tradition sont considérés comme des balises, des signaux riches en informations mais qui n'empêchent pas de naviguer sur des mers inconnues. La transgression étend le champ du possible, mais l'alerte et des procédures de prudence sont nécessaires pour qu'elle reste fructueuse sans provoquer de risques inconsidérés.
Impossible, un mot très puissant, souvent repris dans la littérature, et objet de nombreuses citations comme celle de Marc Twain Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. Un mot qui nous conduit à la fois à exalter la prise de risques, tout en nous mettant en garde face à des garanties ou des protections que l'on pense absolues et qui ne le sont jamais.
Chronique mise en ligne le 22 janvier 2011
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