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Ressources, Nature et mer

Habitat

Le débat sur l'énergie offre l'occasion de s'interroger sur les risques associés aux différentes formes d'énergie, et la manière dont ils se manifestent, notamment sur l'habitat.


Dans le débat sur la sécurité et l’énergie, il arrive souvent que l’on affirme que le nucléaire a fait beaucoup  moins de morts que les autres sources d’énergie. Encore aujourd’hui, l’extraction du charbon dans le monde fait de nombreuses victimes, directes pour cause accidentelle, ou indirectes par maladies professionnelles.
Il est vrai que le danger est extrême pour certains intervenants, comme les liquidateurs de Tchernobyl, mais il ne touche que très peu de gens en définitive.  Au Japon, les nombreux morts provoqués par les récentes Catastrophes sont dus pour l’essentiel au raz-de-marée.
Le danger du nucléaire est plus sournois, et il s’inscrit dans la durée. Il prend notamment la forme d’une stérilisation de territoires. C’est le milieu de vie qui est dégradé, entraînant une baisse de potentiel de vie.
Prenez un animal  (ou une plante) inféodé à un milieu, la forêt par exemple, et même un certain type de forêt. C’est ce que l’on appelle son « habitat ». On peut chasser cet animal, mais le danger revêt souvent d’une autre forme, celle de la disparition de son habitat. Les empiètements sur la forêt réduisent le territoire disponible, avec les Ressources qui vont avec. La Population admissible par le milieu ne peut que diminuer, avec une accélération par dégénérescence quand l’effectif devient trop Faible. Il y a donc deux manières, parfois combinées d’ailleurs, de menacer une population, la destruction directe, par chasse ou cueillette,  ou par étouffement progressif, par réduction du potentiel de vie.
Le danger du nucléaire serait plutôt de ce 2e type. Destruction ou stérilisation de milieux, ainsi ôtés du potentiel productif de l’humanité. Pour un pays confiné comme l’est le Japon, la moindre perte de Terre cultivable, est un appauvrissement, de même que la Pollution du milieu marin, pour un pays gros consommateurs de produits marins. Le nucléaire n’est pas le seul secteur destructeur de milieux, il s’en faut. Mais il rajoute une dimension particulière, en ce que la dégradation n’est pas perceptible avec nos cinq sens. Elle avance cachée, et s’installe durablement.
Le secteur de l’énergie, avec les marées noires et les milliers d’Hectares inondés en amont des grands barrages, est  un gros prédateur de milieux naturels, mais il faut y ajouter bien d’autres comme les pollutions industrielles, une urbanisation maladroite, ou une Agriculture de plus en plus artificielle. Les services rendus par la nature, gratuitement, en sont durement affectés, et doivent être compensés par des interventions humaines. Une chance pour le PIB et la Croissance « officielle »,  qui masque les appauvrissements non comptabilisés. Un appauvrissement de fait, qui progresse discrètement, protégé par des statistiques que chacun reconnait aujourd’hui comme trompeuses. Prenons un exemple pour illustrer cette observation. Aux Etats-Unis, les chauves-souris font économiser 23 milliards de dollars aux agriculteurs, juste en insecticides évités, et il faudrait y ajouter « les répercussions qu’auraient sur la santé et sur l’environnement l’emploi supplémentaire de ces produits(1) ». Et pourtant ces précieux auxiliaires sont menacés d’extinction.
L’urbanisation, l’organisation de l’Espace et son mode d’exploitation, deviennent ainsi des Politiques clés de protection du potentiel productif de la planète. L’aménagement du littoral est en particulier un enjeu majeur, avec une moitié de l’humanité qui y vit, et les perspectives de remontée du niveau des océans. La Richesse biologique des zones de contact et d’échanges entre le continent et la Mer, la Qualité des milieux marins peu profonds, proches de la terre, là où se reproduisent les Poissons, sont des capitaux de l’humanité à préserver avec Détermination.
On objectera que nos Connaissances scientifiques progressent, que des solutions nouvelles vont apparaître qui permettront de renforcer le potentiel de la planète, même avec un milieu dégradé. Il faut bien sûr l’espérer, mais pourquoi sacrifier la richesse qui nous est apportée par la nature ? Ce « plus » scientifique est absolument nécessaire pour parvenir à faire vivre convenablement 9 Milliards d’êtres humains d’ici 2050. Mais faut-il le concevoir en substitution du potentiel naturel, ou en valorisation de ce potentiel ? Celui-ci est souvent ce que l’on appelle un « bien Commun », dont la gestion est délicate. La gouvernance de ces biens est devenu un enjeu majeur du 21e siècle, et la manière dont ces biens sont à la fois protégés et exploités est une des clés de notre Avenir(2).
L’habitat de l’humanité est à la fois son milieu de vie et son Capital productif. L’énergie et l’aménagement sont deux secteurs déterminants à cet égard. Une première approche, défensive, serait de ne pas le dégrader. Le développement durable nous invite à aller au-delà, et à renforcer ses qualités et à l’enrichir. Ne laissons pas filer notre habitat traditionnel, apportons-lui une nouvelle vigueur.

1 - Selon l’article de Catherine Vincent publié dans Le Monde daté du 20 avril 2011
2 - On pourra se reporter sur ce point à l’ouvrage d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie, Gouvernance des biens communs, Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Editions De Boeck pour la traduction française, 2010.

Chronique publiée le 7 juin 2013

 

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