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Organisations sociales

Paresse

Cette note s'inscrit dans une série, courte de 7 péchés, consacrée aux péchés capitaux. Les péchés capitaux, et notamment la paressse, sont-ils solubles dans le développement durable ?

La paresse m’aurai conduit à ne pas rédiger cette note, mais le thème vaut bien un effort ! Comme pour les autres péchés capitaux, il y a un bon et un mauvais usage  de la paresse, à l’aune du développement durable. 

Il n’est pas bon de remettre à demain, de repousser des efforts à plus tard, si, en définitive, il faut quand même passer aux actes, et que plus tard sera plus dur. C’est un mauvais calcul pour un paresseux, si on considère que l’objectif de ce dernier est d’en faire le moins possible. Transposé brutalement côté développement durable, on le dit tous les Jours : chaque jour d’inaction contre le réchauffement climatique sera payé très cher. Remettre à demain a un sens, si ce retard peut conduire à comprendre que toute cette agitation ne sert à rien, ou que ne rien faire donne les mêmes résultats que de se donner du mal. Le paresseux apparaît alors comme le plus clairvoyant, et l’activiste comme le dindon de la farce. Je me pose parfois la question pour ce blog. Si je ne rédigeais pas une note par semaines pour tenter d’animer un débat, de provoquer la réflexion, de partager des indignations et des espoirs, qu’est-ce que cela changerait pour le développement durable ?

La paresse, mère de tous les vices, est aussi une bonne conseillère. Nous parlons du paresseux sérieux, pas du dilettante qui ne cultive pas vraiment la paresse. Il n’en a pas moins des envies. Son problème est de les assouvir au moindre effort. Il devient donc parcimonieux de ses forces, des ressources qu’il investit pour parvenir à ses fins. Excellente préparation à la recherche du double dividende, la qualité de vie d’un côté, le plaisir, et de l’autre l’économie de ressources. Nous sommes dans l’esprit du facteur 4, la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre et en amont des consommations qui produisent ces émissions. Il faut trouver la solution qui permette à la fois de bien vivre et de ménager la planète. Il n’y a pour cela que le recours à l’Intelligence.

Côté consommation, la paresse intelligente, c’est le discernement. Quels sont les biens qui me font vraiment plaisir, ceux dont j’ai besoin pour m’épanouir pleinement ? Le paresseux ne se fatigue pas pour rien, il sait ce qu’il veut et s’y tient. Il ne se laisse pas tenter par des futilités qui ne lui apporteraient plus de soucis que de satisfactions. C’est une grande vertu que résister aux sirènes d’une consommation débridée, ce qui surprend assurément dans une chronique sur les péchés capitaux. La confusion règne. C’est certainement un péché d’affirmer que les contemplatifs sont de superbes paresseux, mais il faut avouer que leur inaction apparente fait les affaires du développement durable. Un moraliste patenté, Blaise Pascal, ne disait-il pas que "Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir demeurer en repos, dans une chambre"(1).

Côté production, l’intelligence est redoutable. Produire paresseusement est bien sûr tout un art. L’art de laisser les autres produire à sa place, et l’autre idéal, c’est la nature, le Soleil, le vent, l’eau, les sols, les éléments. Nous savons bien que ces derniers sont pleins de force, ils ne demandent qu’à produire, parfois à l’excès. Leur défaut est d’être irréguliers. On ne peut pas compter sur eux, pense l’activiste imbécile, qui décide de faire le travail à la place de la nature, pour être sûr de tout contrôler. Le paresseux intelligent prend acte de cette irrégularité, et met tout son talent à faire avec. Il crée du stock, des volants, de l’inertie. Il diversifie ses approvisionnements, les ressources dont il a besoin. Il combine, il adapte, il crée de la souplesse et de la complémentarité. Bref, il affine son rôle de pilote, et se garde bien d’entrer lui-même dans la chaufferie. Timonier mais pas soutier : pourquoi le serait-il, alors que la nature met des forces inépuisables à cette tâche ? C’est en artificialisant que l’on compromet la productivité de la planète, en voulant la forcer au lieu de profiter de sa générosité. Il faut en premier la percevoir. L’esprit ouvert pour comprendre comment cette générosité s’exprime, au lieu de se polariser sur un seul type de produit, un peu comme on cherche sous le réverbère alors que ça se passe ailleurs. L’abondance est à notre portée, il faut juste savoir la sentir ou la voir, et la cueillir, au lieu de vouloir la fabriquer soi-même. Il est plus malin de la favoriser, et de l’exploiter doucement pour prélever le maximum sans attenter au capital formidable que représente la planète pour l’humanité. Un travail de paresseux.

Le développement durable s’accorde bien de la paresse, pour peu que cette dernière soit futée. Le véritable péché, au titre du développement durable, est la bêtise, l’enfermement sur des certitudes définitives, la courte vue, le repli sur soi, les œillères.

1 - Blaise Pascal, Pensées

Chronique mise en ligne le 16 février 2009

 

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