Ambassadeur
Les ambassadeurs du tri nous ont aidés, il y a quelques années, à comprendre le mécanisme du tri et à adhérer à une pratique nouvelle. Pourquoi pas des ambassadeurs pour d’autres domaines, comme l’énergie ou la mobilité ?
Il en faut, de la diplomatie, pour faire évoluer les comportements. Le poids des habitudes et la résistance au changement, voire une inquiétude latente et des blocages mentaux sans explication autre que l’incompréhension du nouveau système, sont autant d’obstacles. Il faut une véritable politique, avec une stratégie, des moyens et des acteurs, et cela le temps qu’il faudra.
Les acteurs doivent donc être des diplomates, car nous savons que la contrainte n’est pas la bonne manière de produire du changement, sauf à « mettre le paquet » longtemps, avec le risque de voir le « naturel revenir au galop » dès que la contrainte s’allège. De la diplomatie, donc, qui a conduit à retenir le mot « ambassadeur » pour les acteurs engagés dans la transformation sociale. Les premiers furent pour le tri. Le tri des déchets, au pied de nos immeubles et dans nos cours. Comment faire, et d’abord pourquoi faire ? Il y a tant de sceptiques. Il fallait expliquer le pourquoi autant que le comment. Et puis il fallait interpréter. Pour convaincre, il faut parler la langue de son interlocuteur. Connaître sa langue, et aussi sa culture, ses références dans sa vie quotidienne. Ce sont souvent des jeunes issus des immeubles concernés qui ont joué ce rôle d’ambassadeur. Ils sont ainsi devenus des relais, des interprètes de la bonne culture techno des services en charge de la collecte des déchets, à l’origine du tri, dans le langage et l’univers des populations locales qu’il fallait convaincre, bourgeoises ou populaires, dont ils provenaient.
Une excellente idée, qui rappelle celle des « régies de quartier », nées dans les années 1970, où des contrats sont passés avec des associations locales pour l’entretien de l’espace public et des services aux habitants. C’est aussi l’esprit des microjardins au pied des arbres, que l’on commence à trouver dans les villes. Aux habitants de prendre en main leur environnement immédiat, dans le cadre de contrats de travail ou de tout autre arrangement selon la nature du travail à faire.
On peut regretter que les ambassadeurs n’aient pas pris pied dans d’autres secteurs. On parle beaucoup d’énergie, d’isolation, mais les points info énergie sont peu nombreux, face à la demande potentielle, et forcément éloignés des logements concernés sauf exception. Et l’action ne commence pas toujours par des travaux, mais par quelques gestes simples. Des ambassadeurs des économies d’énergie, proches des habitations et de leurs habitants, pourraient accompagner un changement progressif de culture vis-à-vis des questions d’énergie. La formule existe, des centaines d’ambassadeurs des économies d’énergie ont été recrutés, mais le plus souvent à l’échelle d’une région ou d’un département, bien loin de la population. La proximité, clé de la réussite, est souvent négligée, faute de moyens. Il faut dire que le contexte n’est pas le même que pour le tri. L’intérêt des collectivités étaient alors clair et direct avec une réduction du coût du traitement des déchets en perspective ; il n’est que général et indirect pour les économies d’énergie, qui bénéficient avant tout aux habitants. L’argent libre pour financer des ambassadeurs des économies d’énergie à grande échelle n’est pas facile à mobiliser.
Pour les déchets, une voie nouvelle se profile : le compostage en pied d’immeuble. Les ambassadeurs se muent en « maîtres composteurs », qui ont la responsabilité de leur compost, et conseille leurs voisins pour l’alimentation dudit compost, collectif évidemment, à l’échelle d’un groupe de maisons ou d’appartements.
La formule s’étend à d’autres formes de services. Voilà la mobilité. Réduire l’usage de la voiture. Une première expérience d’ambassadeurs de la mobilité a été lancée par le pays d’Aix en Provence, à partir d’opérations menées en Australie et en Autriche. Objectif : réduction de 5% de la circulation en voiture au bout d’un an. Une dizaine d’ambassadeurs pour convaincre. Ils prennent en charge les personnes intéressées, toutes volontaires mais pas forcément prêtes à laisser leur voiture au garage. La méthode, inspirée du marketing individualisé, consiste en un accompagnement des automobilistes par les ambassadeurs, qui analysent avec eux leurs trajets quotidiens, et leur apportent toute information utile sur les transports en commun, sur les modes de transports alternatifs. Le soutien peut aussi aller jusqu’à une formation à la pratique du vélo en ville. Toute l’expérience, limitée en 2015 à deux quartiers périphériques du Pays, fait l’objet d’un suivi, pour mieux comprendre les mécanismes du changement attendu des comportements.
Celui-ci ne s’imposera pas contre l’intérêt perçu par les personnes directement concernées, quel que soit le domaine. Expliquer, écouter, comprendre les habitudes et les points d’ancrage, matériels ou psychiques, c’est à force d’observation et de dialogue que les ambassadeurs parviennent, avec du temps et, bien sûr, de la diplomatie, à « faire glisser » leurs interlocuteurs vers des modes de vie à la fois plus agréables pour eux-mêmes et plus vertueux vis-à-vis de la collectivité et de la planète. Les ambassadeurs ont de l’ouvrage !
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