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Gouvernance

Loi

Chacun reproche à la loi de jouer contre son camp. Tantôt la loi est l'alliée des conservatismes de tous poils, et empêche le progrès, tantôt elle est l'instrument déstabilisation de l'ordre établi. Qu'est-ce que cela donne, pour le développement durable ?

 A ma droite, la loi, c’est la loi, ou encore dura lex sed lex, le volet scrogneugneu de la loi est bien connu, avec son côté absolu, dont la rigidité conduit parfois à l’absurdité, dans un monde qui bouge rapidement.
A ma gauche, la célèbre expression la loi est une bonne base de négociation, qui fait bien sûr hurler les puristes.
On navigue ainsi entre deux positions qui s’opposent, entre la loi d’airain et la référence commune pour un dialogue. Chacun sait que le dialogue est rarement équilibré, et que la loi est souvent, dans sa version dure, l’arme des faibles. Les associations militantes en font souvent usage, et trouvent là une réponse au passage en force auquel ont recours de nombreux acteurs dominants, puissance publique et grands opérateurs.
La loi nous conduit au tribunal, avec un juge qui pèse les arguments des parties, ce qui introduit un facteur humain. Il n’y a pas d’application automatique, mais une appréciation circonstanciée. La plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’Etat, a même établit une théorie du bilan. Il y a souvent plusieurs légitimités qui s’affrontent, au-delà des lois au sens strict du mot, et le Conseil d’Etat se réserve le droit de faire le bilan, et de trancher en conséquence. Cette théorie a souvent été très pénalisante pour l’environnement, opposé à des supposées légitimités économiques, dont le bien fondé reste à établir. Le fait accompli a ainsi été la loi, les difficultés du retour en arrière étant supérieures aux vertus de l’application de la loi. Il en a résulté un véritable malaise, une crise de confiance : à quoi bon faire des lois, si en jouant de toutes les astuces de procédures il est possible de les contourner sans vergogne ? Quant aux amendes, elles sont toujours bien faibles par rapport aux profits tirés de la violation de la loi.
Les associations ont toutefois acquis de plus en plus d’efficacité juridique, les lois se sont renforcées, les directives et le système juridique européens ont recadré le mode d’appréciation des tribunaux. Le recours à la loi est devenu pour les associations l’équivalent du passage en force des opérateurs. La réponse du berger à la bergère. Normal, mais bien triste, et insuffisant. Il ne s’agit pas seulement de s’opposer à tel ou tel projet, mais de construire ensemble un monde différent. L’existence d’un rapport de force équilibré est nécessaire, mais n’est pas suffisant du tout. Si le dialogue s’établit sur des bases de méfiance, d’incompréhension, de recherche de la manière d’imposer à tout prix son point de vue à l’adversaire, le monde de demain n’est pas prêt de voir le jour. Ce sont des partenariats qu’il faut établir. On en voit prendre corps ici et là, limité comme la gestion d’une zone humide par des associations, ou plus généraux comme la participation de grandes fédérations à des audits d’entreprises multinationales. C’est un apprentissage qui est engagé, apprentissage d’une collaboration entre acteurs des cultures très différentes. Espérons que ces formes de dialogues permettront de donner à la loi une signification constructive, et non plus uniquement défensive.

 

Chronique mise en ligne en août 2009, revue le 28 octobre 2010

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