Grand débat
Pas de développement durable sans large adhésion populaire. Un grand débat est l’occasion de la faire émerger, mais la réussite dépend de la manière dont il est mené. Voici quelques clés pour un débat durable.
La première initiative pour le grand débat à l’échelle du pays a été la consultation de CESE, conseil économique social et environnemental. Elle a montré tout de suite les difficultés de l’exercice. Plusieurs lobbys bien organisés se sont emparés de la tribune ainsi offerte, et ont fait passer des messages dans des domaines bien éloignés de ceux qui ont provoqué la crise. IVG, PMA ont ainsi été remis à l’ordre du jour, mêlé au pouvoir d’achat et à la fiscalité.
Chacun a pu en faire l’expérience, un débat sur un sujet complexe ne s’improvise pas. Le moindre projet dans une commune fait resurgir d’anciennes rancunes, des rivalités que l’on croyait enfouies et qui perturbent les échanges. On est contre parce que l’on a des comptes à régler avec le promoteur du projet ou ses soutiens. Il y aussi le risque de voir les minorités écrasées, dans un esprit « malheur aux vaincus », alors que le but du débat est de trouver un consensus pour que personne ne se sente laissé sur le bord du chemin. Il faut enfin veiller à ce que aucun sujet important ne soit oublié ou négligé.
Un débat local demande donc une véritable technicité. Il a été souvent reproché aux débats publics liés à des équipements de n’être que des formalités, les décisions étant prises d’avance. C’est pour ça qu’une instance a vu le jour en France, pour organiser les débats et faire en sorte qu’ils soient correctement conduits, indépendamment du fond du sujet traité. Délicat au niveau local, le débat l’est encore plus quand il est étendu à la France entière. Plusieurs réponses ont été apportée, comme les conférences de consensus, dont le montage et les protagonistes répondent à des exigences bien définies. Il s’agit en effet d’éviter des écueils tels que la pression des lobbys, la cristallisation sur les aspects particuliers qui détourneraient des enjeux principaux, l’impact de quelques « grandes gueules » qui monopoliseraient la parole, des conflits d’intérêts, etc.
Lors d’un « talk show » à la télévision consacré au « grand débat », j’entends avec stupéfaction un journaliste qui affirme que la CNDP, commission nationale du débat public était inutile, puisqu’il n’en avait jamais entendu parler. Une prise de position qui illustre parfaitement l’utilité de la CNDP : la vision de chacun est par nature partielle, et il faut une instance capable de poser sur la table du débat toutes les questions même celles qui ne font pas de bruit. Le bon travail n’est pas forcément spectaculaire, et c’est même parfois le contraire : il faut du calme et de la sérénité pour faire avancer une affaire, et cela d’autant plus qu’elle est délicate. Dans un contexte de recherche d’économies tous azimuts, le risque est grand de voir condamnés des organismes efficaces mais discrets, et dont on ne voit l’intérêt que quand ils sont absents. Faire le ménage demande du discernement et une vue d’ensemble.
Un débat ouvert sur tous les sujets à la fois peut répondre à une demande, mais le foisonnement qui en résulterait n’est pas propice à l’émergence de solutions. La manipulation tant redoutée y est plus facile, avec des amalgames ou des leurres lancés pour détourner le débat des véritables enjeux. En définir les contours est une des exigences, tout comme l’adoption d’un langage compréhensible de tous, ce qui n’est pas évident quand sont abordés des sujets très techniques comme la fiscalité ou la gestion de la dette publique, ou encore les grands choix énergétiques.
Un autre écueil est de lancer le débat sur des solutions, avant de s’être mis d’accord sur les problèmes. Quel résultat veut-on obtenir ? Un exemple grossier nous est donné avec la réduction du nombre de parlementaires. Une réponse apportée a priori, mais une réponse à quelle question ? Faire des économies, améliorer les conditions de travail des parlementaires ? Le véritable problème posé par les manifestations n’est-il pas celui des relations entre les élus nationaux et « le peuple » ? C’est l’absence de relations suivies en continu entre élu et électeur qui provoque ce sentiment d’impuissance et d’abandon d’une partie des citoyens. C’est là où est le point principal qu’il faut prendre en charge, et le débat devrait porter en priorité sur la manière dont les élus nationaux sollicitent leurs électeurs, les informent, les interrogent et intègrent leurs préoccupations aux travail parlementaire. Donner en pâture une réponse toute faite qui élude le vrai sujet est un écueil redoutable. Poser la question avant de d’apporter une réponse, outre une logique imparable, permet d’éviter les malentendus et par suite les déceptions, et surtout de ne pas enfermer de débat sur des propositions, voire des positions préparées à l’avance. L’innovation si nécessaire devient impossible quand le choix est limité à « pour ou contre » telle mesure. "Pour ou contre la taxe carbone" srait ainsi une manière désastreuse de poser le débat, la vraie entame serait "quels instruments de politique publique pour assurer la transition énergétique". Il faut solliciter la créativité des citoyens.
Le développement durable a besoin de grands débats, pour imaginer des futurs originaux, favorables à la fois à notre qualité de vie et à la planète. Des débats bien conduits, sans a priori, qui donnent envie à chacun d’y contribuer. Nous voilà dans un sujet de gouvernance, délicat surtout en situation de crise où les positions sont brutales et souvent irréfléchies, avec du court terme à gérer en même temps que du long terme à imaginer. Il faut du talent et de l’expérience pour animer un tel débat, des qualités partagées entre les échelons locaux et nationaux. Le développement durable, c’est un pari sur l’intelligence, l’intelligence à plusieurs.
La première initiative pour le grand débat à l’échelle du pays a été la consultation de CESE, conseil économique social et environnemental. Elle a montré tout de suite les difficultés de l’exercice. Plusieurs lobbys bien organisés se sont emparés de la tribune ainsi offerte, et ont fait passer des messages dans des domaines bien éloignés de ceux qui ont provoqué la crise. IVG, PMA ont ainsi été remis à l’ordre du jour, mêlé au pouvoir d’achat et à la fiscalité.
Chacun a pu en faire l’expérience, un débat sur un sujet complexe ne s’improvise pas. Le moindre projet dans une commune fait resurgir d’anciennes rancunes, des rivalités que l’on croyait enfouies et qui perturbent les échanges. On est contre parce que l’on a des comptes à régler avec le promoteur du projet ou ses soutiens. Il y aussi le risque de voir les minorités écrasées, dans un esprit « malheur aux vaincus », alors que le but du débat est de trouver un consensus pour que personne ne se sente laissé sur le bord du chemin. Il faut enfin veiller à ce que aucun sujet important ne soit oublié ou négligé.
Un débat local demande donc une véritable technicité. Il a été souvent reproché aux débats publics liés à des équipements de n’être que des formalités, les décisions étant prises d’avance. C’est pour ça qu’une instance a vu le jour en France, pour organiser les débats et faire en sorte qu’ils soient correctement conduits, indépendamment du fond du sujet traité. Délicat au niveau local, le débat l’est encore plus quand il est étendu à la France entière. Plusieurs réponses ont été apportée, comme les conférences de consensus, dont le montage et les protagonistes répondent à des exigences bien définies. Il s’agit en effet d’éviter des écueils tels que la pression des lobbys, la cristallisation sur les aspects particuliers qui détourneraient des enjeux principaux, l’impact de quelques « grandes gueules » qui monopoliseraient la parole, des conflits d’intérêts, etc.
Lors d’un « talk show » à la télévision consacré au « grand débat », j’entends avec stupéfaction un journaliste qui affirme que la CNDP, commission nationale du débat public était inutile, puisqu’il n’en avait jamais entendu parler. Une prise de position qui illustre parfaitement l’utilité de la CNDP : la vision de chacun est par nature partielle, et il faut une instance capable de poser sur la table du débat toutes les questions même celles qui ne font pas de bruit. Le bon travail n’est pas forcément spectaculaire, et c’est même parfois le contraire : il faut du calme et de la sérénité pour faire avancer une affaire, et cela d’autant plus qu’elle est délicate. Dans un contexte de recherche d’économies tous azimuts, le risque est grand de voir condamnés des organismes efficaces mais discrets, et dont on ne voit l’intérêt que quand ils sont absents. Faire le ménage demande du discernement et une vue d’ensemble.
Un débat ouvert sur tous les sujets à la fois peut répondre à une demande, mais le foisonnement qui en résulterait n’est pas propice à l’émergence de solutions. La manipulation tant redoutée y est plus facile, avec des amalgames ou des leurres lancés pour détourner le débat des véritables enjeux. En définir les contours est une des exigences, tout comme l’adoption d’un langage compréhensible de tous, ce qui n’est pas évident quand sont abordés des sujets très techniques comme la fiscalité ou la gestion de la dette publique, ou encore les grands choix énergétiques.
Un autre écueil est de lancer le débat sur des solutions, avant de s’être mis d’accord sur les problèmes. Quel résultat veut-on obtenir ? Un exemple grossier nous est donné avec la réduction du nombre de parlementaires. Une réponse apportée a priori, mais une réponse à quelle question ? Faire des économies, améliorer les conditions de travail des parlementaires ? Le véritable problème posé par les manifestations n’est-il pas celui des relations entre les élus nationaux et « le peuple » ? C’est l’absence de relations suivies en continu entre élu et électeur qui provoque ce sentiment d’impuissance et d’abandon d’une partie des citoyens. C’est là où est le point principal qu’il faut prendre en charge, et le débat devrait porter en priorité sur la manière dont les élus nationaux sollicitent leurs électeurs, les informent, les interrogent et intègrent leurs préoccupations aux travail parlementaire. Donner en pâture une réponse toute faite qui élude le vrai sujet est un écueil redoutable. Poser la question avant de d’apporter une réponse, outre une logique imparable, permet d’éviter les malentendus et par suite les déceptions, et surtout de ne pas enfermer de débat sur des propositions, voire des positions préparées à l’avance. L’innovation si nécessaire devient impossible quand le choix est limité à « pour ou contre » telle mesure. "Pour ou contre la taxe carbone" srait ainsi une manière désastreuse de poser le débat, la vraie entame serait "quels instruments de politique publique pour assurer la transition énergétique". Il faut solliciter la créativité des citoyens.
Le développement durable a besoin de grands débats, pour imaginer des futurs originaux, favorables à la fois à notre qualité de vie et à la planète. Des débats bien conduits, sans a priori, qui donnent envie à chacun d’y contribuer. Nous voilà dans un sujet de gouvernance, délicat surtout en situation de crise où les positions sont brutales et souvent irréfléchies, avec du court terme à gérer en même temps que du long terme à imaginer. Il faut du talent et de l’expérience pour animer un tel débat, des qualités partagées entre les échelons locaux et nationaux. Le développement durable, c’est un pari sur l’intelligence, l’intelligence à plusieurs.
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