Temps
Un mot aux sens variés, tous intéressants au titre du développement durable. Nous nous contenterons d’un rapide survol.
Le beau temps est une des conditions du succès des vacances. C’est un inépuisable sujet de conversation, une rubrique essentielle à la télévision et dans les journaux.
Ce n’est pas récent, et depuis toujours, la pluie et le beau temps constituent une préoccupation essentielle de l’humanité : pas pour ses loisirs, mais pour son travail : la production de nos ressources vitales, alimentaires et industrielles en dépendent, et les « intempéries » font l’objet de règlements compliqués, aussi bien pour le bâtiment que pour l’agriculture, ou on parle alors de « calamités ».
C’est que le temps est capricieux, et qu’on peut le prévoir, non sans incertitude, mais pas le maîtriser. La pluie se fait parfois désirer, avec le recours aux divinités spécialisées si nécessaire, et les cérémonies que toutes les religions ont su monter pour faire face à une angoisse légitime. Pour s’en affranchir, l’Homme a créé des ouvrages. Stockage d’eau et irrigation ont ainsi été imaginés pour répondre aux fantaisies de la pluie. Parfois c’est l’inverse, l’eau du ciel tombe en masse, et c’est la crue, parfois la catastrophe. Là encore, on a imaginé des ouvrages, bassins de rétention, digues, canaux. Tout cela est-il bien « durable » ? Bien sûr, à la condition toutefois que la solution n’aggrave pas le problème, comme une digue qui repousse le problème en aval, et que la protection ne fasse pas oublier le danger, comme la construction de maisons dans des zones inondables. Se protéger des conditions extrêmes ne doit pas se prolonger en la recherche folle de la maîtrise totale des éléments.
A l’inverse, l’alternance entre la pluie et le beau temps est source de richesses. « Le mauvais temps, c’est le temps qui dure », affirme un dicton paysan. Ce sont les variations qui sont intéressantes, et il faut s’organiser pour en tirer le meilleur profit, tout en luttant contre les amplitudes trop fortes, que nous ne saurions valoriser. Il n’y a donc pas dans l’absolu ni de beau temps, ni de mauvais temps, mais des alternances à exploiter, des différences à valoriser.
Le temps, c’est aussi le temps qui passe. On nous dit que c’est de l’argent, en référence à une denrée rare, mais c’est surtout notre vie qui s’écoule avec plus ou moins d’intensité. On a voulu l’aménager, comme on tente d’aménager le territoire. Il est vrai que le temps et l’espace sont étroitement liés. Les experts disent que nous acceptons de passer un temps constant dans nos déplacements quotidiens, et que l’efficacité des systèmes de transport nous conduit à éloigner de plus en plus nos lieux de travail et de vie. Entre les deux, le temps et l’espace, il y a un lien : c’est la vitesse. C’est parce que l’on va plus vite qu’on va plus loin. C’est une ouverture, le champ du possible est accru, mais à quel coût environnemental ? La liberté offerte par la vitesse doit-elle être payée par la dégradation des milieux naturels et des paysages, et la pollution automobile, le bruit des avions ? Si on en croit Yvan Illitch, cette vitesse est sans doute bien exagérée. Faisons le calcul du temps passé à se déplacer. Il y a le temps précis du déplacement, mais bien d’autres choses aussi : le temps nécessaire à gagner l’argent dépensé spécifiquement pour un déplacement, c'est-à-dire, par exemple, acheter une voiture, son carburant, son entretien, son assurance, son stationnement, la part des dépenses de santé que l’on peut affecter à chaque kilomètre parcouru en voiture, etc. En rapportant ce temps à la distance parcourue, on revient à des vitesses à peine supérieures à celle d’un bon marcheur. Mais comme pour le beau temps, c’est peut-être l’alternance qui est intéressante, la capacité à jouer avec la différence de vitesse, des moments à vitesse négative, ceux où l’on capitalise du potentiel de mobilité, et ceux où on en profite, mais à condition de savoir raison garder, et de ne pas passer l’essentiel de sa vie capitaliser pour une mobilité dont on ne sait que faire, ou récupérée au profit d’autres personnes. Là encore les notions d’efficacité et d’équité doivent être présentes. Combien de temps a-t-il été capitalisé pour les voyages des astronautes, et quelle est leur vitesse réelle ? Mais l’élargissement du cercle des déplacements possibles est source de richesse, d’échanges de matières, de savoirs, de cultures, et il serait bien dommage de crier trop vite « haro sur la vitesse » ! Elle a du bon, si on en connaît le sens, si on n’en est pas l’otage. A l’inverse, l’éloge de la lenteur doit aussi être fait, à l’instar de Pierre Sansot. La vitesse empêche de profiter de bien de richesses, et la capacité à choisir sa vitesse ne doit pas basculer exclusivement vers la rapidité maximale. Quiconque a navigué sur les canaux de France ou d’ailleurs en est vite convaincu, encore faut-il que ce ne soit pas réservé aux seuls moments de loisir.
Chronique mise en ligne le 15 août 2006, revue le 27 septembre 2011
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