Impact
L’affaire des OGM, relancée par de récentes révélations, met en évidence le concept d’impact sur la santé et l’environnement. Un instrument de bonne gestion.
Le concept d’étude d’impact sur l’environnement est bien connu. Il s’agit d’éclairer une décision. Avant de la prendre, s’assurer que ses effets « collatéraux » ne sont pas négatifs, ou du moins que l’on peut les assumer d’une manière ou d’une autre.
Ce n’est que de la bonne gestion, tout simplement, mais elle impose de prendre du recul : les effets à observer débordent le champ d’intérêt du décideur, el l’étude d’impact l’amène à élargir son point de vue, à prendre en compte des intérêts qui ne sont pas les siens.
Il faut donc relativiser, se mettre en perspective, s’inscrire dans un contexte, au lieu d’avancer et de tracer son sillon sans égards pour ce qu’il peut y avoir autour. L’étude d’impact, c’est accepter que la vie est complexe, qu’il peut y avoir des interférences entre plusieurs intérêts, tous légitimes mais qu’il faut faire cohabiter. Nous sommes bien dans l’esprit du développement durable, avec la recherche de doubles dividendes, gagnant-gagnant.
C’est en 1976 qu’elle débarque en France, en provenance des Etats-Unis, où elle est née au début des années 1970. L’étude d’impact sur l’environnement est l’ainée de la famille. L’ont rejoint d’autres études d’impact, sanitaire, économique, sociale, financière, etc. Quand il s’agit d’environnement, elle n’est plus réservée aux projets de travaux, elle s’applique à présent aux plans et aux programmes selon une directive européenne, et même aux lois, selon un règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Quand il s’agit de finances, elle s’applique sous la forme d’évaluations prévisionnelles. Les lois Grenelle de l’environnement, juste retour des choses, ont fait l’objet d’une étude d’impact financière, combien ça va couter, qui va payer, quel retour en attendre, etc.
Le concept d’impact s’applique aussi aux produits, dans d’autres cadres juridiques. Quelle conséquence pour la santé et l’environnement de la mise en circulation d’un produit nouveau ? La question se décline vers les produits industriels, avec de nouvelles molécules qui se répandent à travers la planète, le DDT en étant un illustre représentant. Une directive européenne, REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and restriction of CHemicals), en vigueur depuis le 1er juin 2007, donne la règle du jeu pour évaluer les impacts des produits chimiques mis sur le marché. La question des OGM relève de la même logique.
Comment évaluer leurs impacts sur l’environnement et la santé humaine, avant de les mettre en circulation ? La procédure en vigueur en Europe n’est pas l’étude d’impact sur l’environnement, mais des textes sur la santé, l’alimentation, le secret industriel, et bien d’autres. La vache folle a fait un petit, un organisme européen de contrôle de la qualité sanitaire des aliments, l’European Food Safety Authority, qui évalue les risques grâce à des panels d’experts. On sait que ces études sont compliquées, compte-tenu du nombre de facteurs mis en cause. L’expérience du tabac, dans les années 1950, est là pour nous rappeler que les fabricants ont vite fait de discréditer les études défavorables. Il est facile d’y trouver un défaut, un vice de forme, pour que des scientifiques en concurrence avec les auteurs de l’étude puissent les dénigrer. La protection de leurs intérêts conduit parfois de grandes firmes à masquer une partie de la réalité, et à faire en sorte qu’aucune contre expertise puisse de dérouler valablement. Le cas des OGM illustre ce dernier point avec éclat, Monsanto étant seul à décider de l’allocation de semences à des fins de recherche, selon Corinne Lepage(1). La contre expertise devient dans ce cadre impossible, sauf à travailler en secret, ce qui complique pas mal les choses. Ajoutez une excellente connaissance des mécanismes de décision, et une action fine pour dépendre des règlements les plus favorables, ajoutez une influence forte auprès des milieux de la recherche que vous financez par ailleurs, et vous avez les ingrédients d’un lobbying actif, exploitant toutes les failles du système pour éviter que la lumière soit réellement faite sur l’impact de votre produit.
C’est l’inverse du principe de précaution. Celui-ci oblige, face à une incertitude sur une question grave et irréversible, à multiplier les recherches, pour éclairer les décideurs. Là, tout se passe comme si le demandeur d’autorisation voulait qu’aucune recherche complémentaire n’ait lieu.
Etude d’impact et principe de précaution, voilà deux poids lourds du développement durable. Rigueur dans l’analyse et mise en perspective, deux principes de bonne gestion, pour inscrire tout projet ou toute nouvelle technique dans son contexte humain et naturel, et pour anticiper les effets que la nouveauté provoquera. L’innovation dont le développement durable a impérativement besoin, ne peut être « sauvage », pour que les progrès ici n’entraînent pas de régressions ailleurs, pour que les solutions d’aujourd’hui ne soient pas les problèmes de demain. Il ne s’agit, somme toute, que de savoir où on met les pieds, et de partager cette connaissance.
1 - Corinne Lepage, La vérité sur les OGM, c’est notre affaire ! Editions Charles Léopold Mayer, septembre 2012
Chronique mise en ligne le 1er octobre 2012
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