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Energie

Bilan

Il y a de nombreuses manières d’établir un bilan financier. Il en est de même pour le carbone, et d’une manière plus générale pour les émissions de gaz à effet de serre.

Sans doute pour des raisons de commodité, la mesure des émissions de gaz à effet de serre s’est faite par pays d’émission. Ce serait très bien si nous ne consommions que des produits fabriqués chez nous, mais nous en sommes loin, et la mondialisation des échanges ne va pas s’arrêter demain.

La bonne manière d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre consiste à se placer du côté de la consommation. Si j’utilise un matériel importé, le bilan carbone dudit matériel ne doit pas être imputé au pays de fabrication, mais bien à celui de son utilisation.
Un tel bilan, établi sur les bases de la responsabilité des consommateurs, est plus compliqué à établir. La viande de bœuf que je mange est composée pour partie d’aliments importés d’Amérique. Comment faire le partage ? C’est plus simple quand il s’agit de produits informatiques « made in China », mais attention ! Les produits informatiques, micro processeurs et autres puces, se sont introduits partout, y compris dans des produits « bien de chez nous ». C’est donc une comptabilité complexe qu’il faut tenir, ce qui explique que les émissions aient été comptabilisées au départ selon leur origine et les lieux de production, et non leur destination et leurs lieux de consommation.
Cette manière de faire permet d’exporter, en quelque sorte, la production des gaz à effets de serre en même temps que sa production industrielle. Même logique que l’exportation des déchets toxiques. Il ne viendrait à personne l’idée d’imputer la production de ces déchets aux pays qui sont victimes de trafics et en héritent contre leur volonté.
Nos émissions, en France, ont ainsi baissé, avec des hauts et des bas, au cours des 20 dernières années.  De l’ordre de 8%. Un chiffre qu’il faudrait analyser en fonction des volumes de production, secteur par secteur, ce qui permettrait d’évaluer l’efficacité énergétique de chacun de ces secteurs.  Une part de cette baisse est due aux délocalisations et aux importations. Si telle voiture, fabriquée essentiellement en France, augmente le nombre des pièces importées, elle réduit son émission « française » de gaz à effet de serre, mais il s’agit d’un tour de passe-passe. Le vrai bilan s’établit sur le produit, quelle que soit l’origine des éléments qui le constituent.
Les émissions de carbone des français sur les 20 dernières années, vues du côté de la consommation cette fois-ci, ont sensiblement augmenté : +25% selon le cabinet Carbone 4(1). On est loin du progrès « optique » de 8% observé côté production. Certes, le nombre d’habitants a augmenté de 11% pendant cette période, et l’augmentation par tête est plus modeste, +13%, mais on est loin des engagements mentionnés dans le protocole de Kyoto pour la France, à savoir le retour en 2010 au niveau 1990. Notre émission moyenne par habitant, au filtre de la consommation, est de l’ordre de 10 tonnes de CO2 par habitant et par an, à rapprocher des  8 calculées au filtre de la production 
Cette approche permet de voir autrement les gros postes de consommation. Le bâtiment, souvent montré du doigt comme le mauvais élève de la classe, s’en sort plutôt mieux. 16%, dont un quart pour la construction et les gros travaux, le reste pour le fonctionnement, essentiellement le chauffage. Le gros poste de consommation, qui a ravi la tête à l’alimentation, est la consommation de biens courants, qui pèse 24 %, grâce notamment à l’augmentation très forte de produits électroniques, comme les télévisions, téléphones portables et écrans en tous genres : +40% en 5 ans. A titre d’exemple, Carbone 4 note que « la fabrication d’une télévision à écran plat 32 pouces engendre les émissions de 1,2 tonne eqCO2, soit 12% du bilan carbone annuel d’un Français ». L’alimentation vient ensuite, avec 22%, avec un poste en nette diminution, la consommation de viande, qui pèse lourd en terme de carbone. Ce n’est qu’après que l’on trouve les transports et les services, chacun pour 19%. Les vertus de l’industrie en matière de bilan carbone sont ainsi présentées sous un autre jour : les délocalisations ont apportées autant que les véritables progrès techniques.
Encore un effort à faire, dans nos choix de consommation. Manger local et de saison est une règle bien connue, et elle porte sur un poste important. Une voie à transposer dans d’autres domaines, en cherchant à la fois la qualité de vie et le plaisir d’un côté, l’économie en carbone de l’autre. Une chose est certaine : il ne faut pas tout attendre du système productif. Il peut, et il doit devenir plus performant, mais nos modes de vie restent la clé du succès.

1 http://www.carbone4.com

 Chronique mise en ligne le 6septembre 2013

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