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Culture, valeurs

Indignation

indigation2L'ouvrage de Stéphane Hessel, Indignez-vous, a eu un écho incontestable. Voilà une excellente occasion de décliner le mot Indignation dans l'univers du développement durable.


Il y a de nombreuses raisons de s’indigner. Le nombre de sans domicile fixe, par exemple, en France. On parle de 10 000 personnes qui dorment dans la rue chaque soir à Paris. Si l’on en croit la Fondation Abbé Pierre qui vient de publier son 4e rapport sur le logement, la situation aurait plutôt tendance à s’aggraver.

Tout ça avec un PIB qui, bien que faiblement, ne cesse de croître. La France est bien plus riche qu’il y a 20 ans, et pourtant, il y a plus de pauvres.
La pauvreté et la misère, que l’on croyait en régression, se portent bien. Changeons d’échelle, et quittons la France pour embrasser le monde. Ce sont les objectifs du Millenium qui sont la référence. L’accès à l’eau potable, la lutte contre la faim, pour l’école et le statut des femmes, et bien d’autres « biens essentiels ». 10 ans après, le bilan, tiré par l’ONU (juin 2010), est décevant. Les progrès sont lents, l’argent et la volonté manquent manifestement. Près d’un milliard d’êtres humains souffrent de la faim.
Pendant ce temps là, la croissance continue. La crise a bien secoué certains pays, mais les bourses ont retrouvé le niveau d’avant la crise. Et on parle d’un nouveau mur, entre la Turquie et la Grèce. Ce n’est pas dans le cas présent pour séparer des populations « Ennemies héréditaires », mais pour protéger le monde prospère de la pression des affamés. Partout on voit se dresser des barrières. C’est une sorte d’apartheid mondial qui se met en place sous nos yeux. Les ressources de la planète ne suffisent pas pour satisfaire tous les besoins. Alors les plus gourmands, les prédateurs, se protègent des plus faibles. L’accès rapide de grands pays à des niveaux de consommation significatifs ne fait qu’accentuer la pression, avec comme conséquences le repli communautaire, les zones protégées à toutes les échelles.
Il y a vraiment de quoi s’indigner.
Les réactions à cet état de choses suscitent aussi l’indignation. Il a le mépris des financiers, enfermés dans leurs logiques, et rassurés par l’issue des évènements récents. Ils sont « too big to fail », trop gros pour tomber, ils peuvent rester dans leur logique sans se poser de questions. On parle encore de milliards de bonus…
Il y a aussi les économistes et les technocrates. Ils admettent volontiers qu’ils se sont trompés. Ils n’ont pas vu venir la crise, mais n’en continuent pas moins à faire des prévisions, à donner des notes. Le déclassement de la Tunisie après sa révolution, qui alourdit sa dette et rend encore plus difficile son redressement, traduit bien l’indifférence de leur monde face aux difficultés vécues dans une bonne partie de l’humanité.
N’oublions pas la bonne conscience et le moralisme. Quelle indignation de voir des groupes enlever des enfants, comme à Haïti, au nom de leur religion. Les ONG qui adoptent des stratégies imbéciles, agitant le spectre de la Peur des lendemains, au lieu d’inciter à construire soi-même ces lendemains. La peur ne provoque que le repli, alors que nous avons besoin de créativité.
L’indignation chère à Stéphane Hessel est donc notre compagne. Il reste à lui donner un sens positif, comme a su le faire en son temps le Conseil National de la Résistance. L’ours blanc en sursis sur la banquise comme l’émigrant balloté sur son boat people n’ont que faire d’une indignation stérile, se cantonnant à affirmer un désaccord, sans propositions ni action.
Réaffirmer des valeurs est une première nécessité, face au cynisme de dirigeants qui parlent facilement de naïveté et de réalisme pour excuser leur démission face aux problèmes les plus criants. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi des suites concrètes. A chacun de trouver la porte étroite, celle qui permet de progresser dans un univers pas forcément hostile, mais le plus souvent sceptique. Le chemin n’est pas tracé d’avance, il faut trouver les bons leviers, ne pas s’attaquer d’emblée aux forteresses imprenables, trouver des alliés. Ni périr ni trahir, la formule s’applique là encore : ne pas s’aventurer sur des terrains trop dangereux, mais ne pas abandonner pour autant une grande ambition. Commencer avec ce que l’on peut faire tout de suite, dans son milieu personnel ou professionnel, mais surtout provoquer des dynamiques, entraîner des partenaires pour changer d’échelle. Bref il y a de nombreuses manières de faire. Vous saurez trouver la vôtre.
Indignez-vous, certes, mais indignez-vous utilement.

 

 

Chronique mise en ligne le 7 février 2011

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