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Argent, Economie et PIB

Pacte

Le mot à la mode est « pacte de croissance ». Il s'agit de relancer notre économie et celle de l'Europe tout entière. Mais de quelle croissance s'agit-il ? Un pacte, oui, mais pourquoi faire ?

La situation économique de l'Europe est préoccupante. Taux de chômage élevé, dettes publiques sans précédent, compétitivité douteuse et précaire, face aux ambitions des pays émergents. Une situation de tous les dangers, provoquant des Mouvements d'Opinion radicaux. Une Relance de la Croissance apparaît dans ces conditions indispensable pour résoudre tous les problèmes, proposer de l'Emploi, financer les dettes, et répondre aux aspirations des Populations, les rassurer sur leur Avenir. Les nombreuses solidarités qui unissent les pays européens rendraient hasardeuse une relance strictement nationale, et l'idée d'une Politique commune, concrétisée par un pacte, semble s'imposer.
Il reste malgré tout à s'interroger sur un préalable : quelle croissance ? Le Risque est grand, en effet, pour aller vite car il y a Urgence, de se raccrocher à une vision ancienne de la croissance. Une croissance tout azimut conçue pour relancer la production sans égard aux facteurs limitant apparus au cours des dernières décennies. Une croissance fondée sur la quantité plutôt que sur la Qualité. Le développement durable n'est que la prise de conscience de ce que l'on appelle la « finitude » du monde. La croissance doit s'inscrire dans un Système contraint, pour utiliser un vocabulaire technocratique. L'important n'est pas de produire plus, mais de créer plus de bien-être, tout en consommant Moins de matières premières. Le mot-clé est donc « efficacité ». La croissance moderne, celle que l'on peut attendre d'un pacte, est celle de l'efficacité.
La vieille Europe, souvent considérée comme à la traîne, a de sacrés atouts à faire valoir dans ce domaine. Le niveau de formation, la qualité de l'organisation sociale y sont particulièrement élevés. La densité de population et la faiblesse des ressources minières nous ont conduits depuis longtemps à privilégier l'efficacité. Un exemple frappant peut être donné pour illustrer cet avantage. Les économistes britanniques de la New Economics Foundation(1), ont créé un indicateur composite pour évaluer la bonne Santé des pays. On y retrouve un volet économique, sur la Consommation et calculée en intégrant le PIB, un volet social avec le niveau d'éducation, l'espérance de vie etc., et un volet environnemental à partir des prélèvements de Ressources opérés pour satisfaire les besoins. La comparaison des États-Unis et de l'Allemagne nous montre que pour des niveaux comparables de prospérité économique et de bien-être social, les États-Unis consomment deux fois plus de ressources que l'Allemagne. Un écart considérable. L'Abondance des ressources dont bénéficient les Américains ne les a pas conduits à faire des Economies. Il en résulte un différentiel très important en faveur de l'Europe en termes d'efficacité.
Cet atout n'est pas toujours considéré à sa juste Valeur. Les modèles économiques américains ou asiatiques fondés sur d'immenses réservoirs de ressources ou de main-d’œuvre, nous éblouissent souvent. Ils ont effectivement très bien fonctionné jusqu'à présent. Ils le feront sans doute encore quelques années, tant que nous irons puiser des ressources nouvelles, parfois dans des conditions inquiétantes par les risques que nous faisons courir à notre « capital nature ». La Compétition pour l'accès à certains ingrédients indispensables, comme les terres rares dont on parle beaucoup aujourd'hui, sont d'ailleurs une autre Source d'inquiétude que le modèle traditionnel de croissance peut inspirer.
Il est difficile de changer de mode de croissance. On parle beaucoup de la ressource en eau de la France. L'Agriculture est le premier poste de consommation. Deux orientations sont envisageables, d'une part trouver ou constituer de nouvelles ressources, d'autre part adapter des pratiques agricoles (Choix des cultures et des variétés, techniques d'exploitation, etc.). En schématisant, la Fuite en avant d'un côté, la recherche de l'efficacité de l'autre. Il faut bien sûr des Transitions, ce qui amène un dosage entre les deux pôles. Mais un dosage évolutif, en biseau, qui permette en quelques années de changer de modèle économique. Nous observons que les Résistances à ce changement conduisent à une affectation prioritaire au modèle du passé des Moyens financiers disponibles(2).
En matière de transport aérien, la belle aventure de l’ATR et des Avions à hélice nous montre que le paramètre critique n’est pas la Vitesse mais la consommation de carburant. C'est là que se situe la vraie efficacité. Dans le domaine du bâtiment, les suites du Grenelle ouvrent des Perspectives d'une progression collective des professions vers l'efficacité.
Il n’y a donc pas de fatalité, l'urgence d'une relance de la croissance ne permet pas d'éviter une réflexion sur le contenu et les formes de ladite croissance. L'Europe a des atouts, elle est en Avance sur de nombreux Points, une avance à valoriser et à conforter, loin d'une tentative désespérée d'adhésion à des modèles qui nous sont étrangers.
Pour un pacte de croissance durable, attention à ne pas se tromper de futur.

1 NEF, www.neweconomics.org
2 Le « plan d'adaptation de la gestion de l'eau en agriculture », rendu public le 16 novembre 2011, accorde 90 millions d’euros sur 5 ans à l’augmentation des réserves en eau, contre 27 pour l’amélioration de l’efficacité.

Chronique mise en ligne le 8 mai 2012

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