Cascade
Voilà un mot sympathique, qui rappelle aussi bien l’eau qui coule que les aventures au cinéma.
Il évoque surtout des étages dans la retombée de l’eau, une énergie qui se libère par vagues successives. Pour le développement durable, cette approche est très importante :
il rappelle qu’entre la source d’une rivière et la mer, destination finale de l’eau, il y a tout un cours, où la ressource doit être valorisée de multiples manières. En campagne en Egypte, le général Bonaparte n’affirmait-il pas que pas une seule goutte d’eau du Nil devait se perdre dans la mer ? Il avait bien tort, car l’eau du Nil joue un rôle important pour la richesse de la méditerranée, mais l’idée d’une utilisation totale de l’eau peut être retenue. L’eau avec laquelle la salade est lavée peut être récupérée pour d’autres usages, comme l’arrosage des plantes sur la terrasse. Plusieurs usages pour la même ressource, telle est la leçon. Le cycle long, ponctué d’utilités complémentaires, plutôt qu’un circuit court, synonyme de gaspillage.
Ce qui se développe sur l’eau trouve d’autres applications. Le mode de consommation des plus riches en est une bonne illustration. Quoi de commun entre d’une part, aller dans un grand restaurant, en laissant beaucoup d’argent pour des savoir faire, des services, des produits agricoles de qualité, et des retombées diversifiées sur l’emploi et une redistribution de revenus, et d’autre part brûler des tonnes de kérosène dans un jet privé ou des litres d’essence dans une voiture de sport sans créer de richesses « en cascade ».
Du bon usage de l'eau, par étape, aux retombées de dépenses en argent, c'est le cheminement d'une ressource de sa production à sa fin de parcours qui est au centre de la réflexion. Cascade se décline aussi dans la technique. On peut évoquer des ensembles d’appareils pour répondre à un besoin irrégulier. C’est le cas des chaudières, dont la puissance utilisée dépend de la température et de l’occupation d’un local. Plutôt qu’un énorme appareil dimensionné pour des situations extrêmes, on préférera plusieurs chaudières en cascade mises en service selon les besoins, et qui travailleront à la bonne puissance. On les choisira de qualité différentes. La première , celle qui fonctionne le plus, sera la plus performante, on mettra beaucoup d’argent sur elle, alors que la dernière, celle qui donne un appoint quelques jours par an seulement, pourra être d’un moindre rendement, sans grand préjudice pour l’environnement. Varier sur la qualité, au lieu d’une politique d’uniformité, permet des combinaisons de moyens pour s’adapter au besoin. On retrouve là une autre approche du développement durable, à savoir la capacité d’adaptation pour mobiliser les ressources nécessaires, mais juste celles-là. Une recherche d’efficacité maximum dans l’usage d’une ressource, voilà ce que suggère la cascade.
En réalité, ce mot est très riche, car il évoque les multiples formes de valorisation d'une ressource, entre sa création ou son extraction, disons sa mobilisation, et le moment où elle a tout donné. Il y a des cycles courts, où la ressource ne sert qu'une fois, et il y a les cycles longs, avec des étapes successives. Le mot recyclage émerge bien sûr dans cette logique. On approche un concept clé, directement opérationnel pour mettre en oeuvre des stratégies de développement durable. Un objet en matière plastique, tiré du pétrole, sera recyclé en un autre produit, dégradé par rapport au précédent, et ainsi de suite jusqu'au dernier usage : il devient ainsi un "déchet ultime", qui peut encore produire de l'énergie si on le brûle. Quelle différence avec l'utilisation directe du pétrole comme carburant, où il est détruit dès sa première utilisation ! Faire durer le plaisir, telle est la règle ! Je suis toujours très triste de vider dans l'évier l'eau de la casserole où j'ai fait cuire des pâtes : quel gâchis, que toute cette chaleur qui s'en va dans les égouts ! ne pourrait-on pas la récupérer, par exemple pour un préchauffage de mon eau chaude, pour mon bain ? Mais nous reviendrons sur le recyclage, un mot nous y conduira sûrement.
Ce développement vaut pour d'autres ressources, comme les capitaux. Certains investissements entraînent des retombées successives, d'autres sont stériles, ou n'ont que très peu de retombées. merci d'apporter des exemples de ces deux types d'investissement, pour parachever cette présentation.
Concluons en signalant que cette valorisation "en cascade" n'est pas la seule à rechercher. Une autre piste s'appelle "double dividende", où il s'agir d'obtenir des valorisation non plus en série mais en parallèle, comme diraient les professeurs d'électricité que j'ai eus dans ma jeunesse. Des bénéfices collatéraux pourrait-on dire, et non consécutifs, en cascade. Nous en parlerons plus tard, à l'occasion d'un autre mot.
Commentaires d'Yves Lenoir
Napoléon avait peut-être tort, mais sa conception de l'"utilité" de l'eau du Nil est partagée par tous nos technocrates nationaux et internationaux : toute goutte d'eau qui atteint la mer par ruissellement représente un gaspillage de la ressource, d'où les énormes moyens et aides consacrées aux barrages, aux canaux, à l'irrigation et l'identification du progrès en aménagement urbain et périurbain à la verdeur des gazons des propriétés anglaises et irlandaises.Sachant que l'agriculture a une part de l'ordre de 80% dans les extractions et en évapore à peu près tout , il est clair que le problème de la "rareté" de l'eau est un faux problème. La vraie question est : comment contrecarrer la pression du lobby de l'agro-alimentaire orienté viande matin-midi-soir et entre les repas ? Comment casser l'idée que consommer des tomates (forcément irriguées) de Lybie ou d'ailleurs en toute saison est un progrès de la condition prolétarienne ?
Quand on pense qu'il y en a qui croient qu'en fermant le robinet pendant qu'ils se frottent les quenottes ils contribuent au DD…, ainsi que le recommandait Ségolène lors d'une fulgurante intervention en tant qu'éphémère ministre de l'environnement.
Toujours dans cette veine en "ordres de grandeur", je trouve absurde que l'on interdise de laver sa voiture une fois la semaine en été (soit environ cinquante litres d'eau) alors qu'on autorise chacun d'utiliser la chasse d'eau à chaque petit pipi, soit 5 à 10 litres à chaque fois. Là, une autre ficelle bien connue pour faire croire qu'on s'attaque sérieusement au problème : on brime le pékin lambda quant à un usage marginal ; cela n'engage à rien, sinon à coller une bonne amende à l'idiot qui se fera pincer.
Chronique publiée le 8 février 2006
- Vues : 4063
Ajouter un Commentaire