Skip to main content

Argent, Economie et PIB

Bourse

donnantLes crises boursières sont révélatrices de difficultés de fond, au-delà du phénomène spéculatif. Mais les réponses exigent autre chose que les vieilles solutions, il faut trouver un autre mode de développement.

Quelle curieuse coïncidence ! C’est au moment précis où la bourse s’effondrait un peu partout dans le monde et tout particulièrement en Europe que Jacques Attali remettait son rapport pour stimuler la croissance, et que la commission européenne propose une politique volontariste pour lutter contre l’effet de serre.

Trois évènements intéressants à rapprocher. La dépression boursière fait craindre une récession, une baisse de l’activité, à moins que ce n’en soit la conséquence. Attali apporte le programme clé en main, à prendre ou à laisser, pour trouver le point de croissance supplémentaire qui manque à la France pour se situer dans une bonne moyenne des pays développés, et le plan climat européen offre un champ d’initiatives et de créativité dont le coût, quelques euros par européen, est bien inférieur que ne serait le coût du fil de l’eau, de la passivité.

Une première interrogation concerne la valeur des entreprises. Est-elle si volatile qu’elle puisse s’évaporer en quelques heures ? Les pertes enregistrées à la bourse rappellent que le capital d’une société est immatériel pour une bonne part, un tiers environ. C’est la confiance qu’elle inspire. La bourse n’est pas une entreprise comme les autres, il ne s’y produit rien d’autre que de la facilité d’échange entre les investisseurs et les entrepreneurs. Les manœuvres financières des premiers, et leurs imprudences, se répercutent manifestement sur les seconds. C’est le prix à payer de la domination qu’exerce la Finance sur l’économie, l'Image sur la réalité concrète. L’image, la monnaie, sont des instruments fantastiques pour rendre plus faciles ces échanges, peut-être trop faciles. L’extrême fluidité des capitaux finit par coûter cher aux entreprises. Il faut trouver des solutions. Au secours Keynes ! La tentation est forte de reprendre les mêmes formules, qui ont permis de sortir de la crise une première fois. Ce n’est sans doute pas ce que Keynes lui-même aurait fait, lui qui se moquait du retard des hommes Politiques, qui appliquent sans le savoir les recommandations d'économistes souvent morts depuis longtemps et dont ils ignorent le nom. Curieusement il rejoint Karl Marx sur ce point, qui disait que Les morts pèsent d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants.

Tout ça nous renvoie aux commentaires provoqués par le rapport Attali. De nombreux experts disent que ces mesures sont le fruit d’un recyclage intelligent de préconisations bien connues, qui figurent déjà dans nombre de rapports. Les mêmes experts affirment que ces mesures s’imposent pour la plupart, que tout le monde le sait, et qu’elles constituent la solution pour progresser et continuer à faire partie de l’élite de ce monde. J’en vois peu qui s’interrogent sur les raisons des échecs répétés à la mise en musique de ce qui semble être du bon sens. Il est plus facile d’incriminer un conservatisme forcené de la société française, qui refuse de suivre les experts. Un crime de "lèse experts". Pas de commentaire, non plus sur la signification du PIB, de la croissance, mesurée sans compter les dépenses non monétaires, les destructions des valeurs qui n’intéressent pas la bourse, humaines ou naturelles. Quand cette difficulté est évoquée, c’est pour dire que l’on y pense, mais il s'agit de se dédouaner car aucune inflexion n’est visible de ce fait. L’impérialisme de la croissance reste entier, ce qui ne serait pas grave si on la mesurait convenablement, mais qui devient inquiétant quand on connaît les biais introduits dans les calculs, les oublis massifs dans des comptes où il n’y a pas de débit. La suppression du principe de précaution, ainsi préconisée, traduit cette volonté de lever les obstacles à une croissance plus optique que réelle, alors qu’il s’agit, nous l’avons déjà affirmé dans ce site, d’un instrument de pilotage de la nécessaire prise de risque.

La libération de la croissance ferait donc l’objet d’une résistance farouche. Peut-être, au lieu de répéter les mêmes propositions, eut-il été préférable de s’intéresser aux mécanismes fins, au Jeu des acteurs, aux leviers qui pourraient ébranler des équilibres désuets. Les régulations obsolètes sont légion, mais faut-il les supprimer ou les faire évoluer ? La brutalité manifestée dans cette opération traduit sans doute l’incapacité des experts à entrer dans un dialogue équilibré, à explorer ce qu’est une bonne gouvernance. Dommage, car il y a quand même de bonne choses dans ces propositions, et il ne faudrait pas qu’elles soient évacuées, une fois de plus, avec l'eau du bain.

Pour relancer la croissance, la lutte contre l’effet de serre. Un plan européen qui s’appuie sur un calcul plus équilibré, puisque le coût du programme est comparé à ce que coûterait son absence. C’est un effort collectif qui est l’enjeu. Certains voient une atteinte à la Productivité des entreprises, un affaiblissement de leur situation dans le contexte bien sévère de la concurrence internationale. D’autres y voient au contraire un challenge dont les entreprises ont besoin pour progresser, pour prendre de l’avance dans un domaine qui s’imposera bientôt à tous avec force. Un levier pour la croissance, fondé sur une réalité Physique qui restera au-delà de toutes les crises boursières. Le rôle des pouvoirs publics, européens et nationaux, est alors d’aider les plus faibles à franchir l’obstacle. La répartition de l’effort entre les Etats et entre les activités reste un exercice particulièrement délicat. Là encore, une bonne gouvernance sera bien nécessaire. Il y a un avenir à imaginer, mais, comme le disait Keynes, encore lui, la difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d'échapper aux idées anciennes.



Chronique publiée le 24 janvier 2008, revue le 25 mai 2010.





 

  • Vues : 13241

Ajouter un Commentaire

Enregistrer