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Apprentissage

Ecole

Voilà un thème au cœur de la campagne électorale, un bel enjeu pour l’avenir, mais aussi pour le présent de millions d’enfants et d’enseignants. L’école, c’est leur vie quotidienne aujourd’hui.

Le lien entre développement durable et école est puissant, bien sûr, mais les choses évidentes sont toujours un peu dangereuses, car le sentiment d’évidence permet souvent de ne pas creuser le pourquoi et le comment. Il vaut mieux tenter d’expliciter les choses, pour être sûr de bien les comprendre, et d’être tous sur la même longueur d’onde.

Le malentendu sur des choses aussi importantes pourrait être la source de bien des crises.

Un premier aspect consiste à sensibiliser les jeunes aux enjeux du développement durable, de leur donner les bons réflexes, de bonnes habitudes. L’école et l’enseignement doit les conduire à intérioriser ces valeurs et par suite d’adopter des comportements responsables sur l’énergie, les déchets, l’eau, tout comme leur propre hygiène de vie.

Sur un plan opérationnel l’idée a pu germer de faire de l’environnement ou du développement durable une matière d’examen, obligatoire au bac. C’est la suite logique de la conception française de l’enseignement, peut-être un peu caricaturale, qui consiste à préparer l’élite dès la maternelle, et de commencer dès ce stade la sélection pour l’école polytechnique. Inscrire le développement durable dans les programmes scolaires, c’est aussi prévoir des épreuves et des notes. Pourquoi pas, si ça marche, mais attention à ne pas réduire le développement durable à quelques connaissances. Si certaines données doivent être apprises, le développement durable relève d’une approche dynamique et ne peut, à ce titre, être isolé du reste de l’enseignement.

Ce serait une erreur de donner du développement durable l’idée qu’il s’agit d’un ensemble de valeurs supplémentaires, qu’il convent d’intégrer, mais en plus du reste, reste qui n’est pas remis en question fondamentalement. Cette première étape, d’intégration d’une discipline supplémentaire, témoigne une bonne volonté, mais le développement durable reste dans cette hypothèse une couche supplémentaire, qui ne peut fonctionner que de manière superficielle, avec de nombreuses contradictions non explicitée et par suite pas vraiment abordées, et encore moins résolues. Les marges de manœuvre offertes pas cette position seront marginales, réduites, et incapables de contrebalancer les forces terribles de l’inertie et du conformisme à certains modèles, du toujours plus, et du besoin de consommer plus pour s’affirmer, et vivre son identité. On arrive vite à une schizophrénie, et ce n’est pas le but de l’école.

Le développement durable à l’école ne peut venir que de la conception générale de l’école et de ses missions. Il s’agit de donner aux futurs citoyens les moyens de construire eux-mêmes, et dans leurs vies, leur propre approche du développement durable. Quelques connaissances sont utiles, dans de nombreux domaines, et pourquoi pas l’environnement, tout comme l’économie et l’action sociale, mais le développement durable se construit tous les jours, dans un monde qui n’arrête pas de changer, et qui sera demain bien différent de celui d’aujourd’hui. Comme les enseignants ne sont pas des devins et ne troquent pas leurs manuels pour les boules de cristal, il s’agit de donner aux élèves des références et des méthodes pour comprendre le monde et son évolution. Au-delà des connaissances de base, l’important est d’aider à la compréhension des mécanismes qui font bouger le monde, aux différentes échelles, à commencer par la micro, la proximité, le premier cercle où l’on trouve la famille, l’emploi, les copains, le sport et la culture au quotidien. Chacun est aujourd’hui assailli par quantités d’informations, d’importance, de fiabilité, et d’intérêt variables, beaucoup plus que ce que l’école peut en apporter. L’apport brut de connaissances se fait sans doute aujourd’hui et plus encore demain par des canaux différents de l’école, la télé, Internet, la famille et les copains. Comment s’y retrouver dans tout ce magma, dans cette abondance qui a vite fait de saouler, et de déstructurer les meilleurs cerveaux, surtout quand ils sont en train de se former, d’adopter leur architecture de neurones…

L’école du développement durable n’est pas celle de l’accumulation de connaissances, laquelle pourra toujours venir plus tard, le moment venu, et pour répondre à des objectifs précis. C’est celle de la structure de pensée, avec des méthodes pour apprendre à naviguer dans le champ du complexe, et des repères forts et simples. La complexité fait partie de la vie, de tous temps les peuples, y compris les plus primitifs, ont su faire avec et l’exploiter, et ce n’est pas le besoin de spécialistes pointus qui doit conduire à abandonner l’apprentissage de la complexité, ou plutôt des méthodes qui permettent de s’y trouver à l’aise, et non angoissé, ce qui arrive quand on ne comprend pas ce qui se passe.

Bien sûr des connaissances de base, mais surtout apprendre à filtrer et à ordonner les quantités d’informations que chacun reçoit, pour savoir les capitaliser intelligemment et les mobiliser le moment venu, aussi bien à des fins d’épanouissement personnel que de contribution à une œuvre collective, notamment professionnelle. Il y a quelques années, on parlait des humanités, belle expression pour désigner la culture d’un honnête homme, comme dirait Molière. Les philosophes y tenaient une bonne part, tout comme le grec et le latin. Il fallait donner aux jeunes les moyens de comprendre leur monde de l’époque. Si le mot et son contenu traditionnel sont désuets, il convient de lui redonner un sens concret pour le siècle qui commence. Un beau projet pour l’école.

Chronique publiée le 12 mars 2007

 

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