Les quatre dynamiques
Essai
Le Massif des Côtes est un poumon vert au cœur de la métropole de Clermont-Ferrand. Cet espace naturel s’étend sur 5 communes. Il est identifié comme le cœur de nature à protéger dans le SCOT du grand Clermont et comme un réservoir de biodiversité à préserver pour le Schéma Régional de Cohérence Écologique.
En avril 2023, le périmètre labellisé Espace Naturel Sensible a été étendu sur l'ensemble du massif, passant ainsi de 275 ha à 815 ha. Le Massif des Côtes est aujourd’hui l'un des plus vastes Espaces Naturels Sensibles du département du Puy-de-Dôme.
Cet inventaire de la nature présente sur l'espace d'extension de l' Espace Naturel Sensible m'incite à évoquer le choix politique posé par cette extension.
Je vais m'adosser à la pensée grecque de l'Antiquité, rappelant d'abord que, pour Platon, la politique, à savoir la conduite des affaires publiques de la Cité, est au plus haut degré de la philosophie...
Il s'agit de préciser
- d'abord quel est le diagnostic,
- pour ensuite choisir comment organiser l'avenir des Côtes.
Pour cet espace extraordinaire, près de 1000 hectares, extraordinaire par sa richesse, par sa diversité, par son passé, par son emplacement au milieu de l'urbanisation de la Métropole clermontoise.
Pour ce diagnostic, reprenant Aristote, je distingue une approche de natura naturata, ou de natura naturans.
Natura naturata, il s'agit d'observer et de décrire la nature telle qu'elle est, dans son état actuel ;
avec l'idée implicite que les milieux naturels sont stables, et avec l'illusion qu'il est possible de les conserver en l'état, ce qui est la démarche actuelle du CEN pour les milieux secs des Côtes: la protection, la conservation de ces milieux est recherchée...
Natura naturans, c'est l'observation de la dynamique du vivant, du formidable, du passionnant effort de chaque individu, de chaque espèce, de se développer, et de prolonger son existence par sa reproduction. En s'adaptant, autant que faire se peut, au milieu dans lequel il est placé.
La distinction est bien décrite par Catherine et Raphaël Larrère, dans « du bon usage de la nature » (champ essais, 1997), et les deux positions s'illustrent actuellement par des projets distincts d'une part du Professeur Hallé, et d'autre part de Philippe Descola et Baptiste Morizot (Raviver les braises du vivant, Actes sud, 2020), actualisant l'idée de penser comme une montagne d'Aldo Léopold (in Almanach d'un comté des sables).
Pour nos Côtes, je distinguerais quatre dynamiques qui sont présentes, et influencent les biocénoses en place :
- en régression, plus ou moins rapide, le souvenir des usages anciens, souvenir qui peut subsister sur plusieurs millénaires, et parfois recherché par les archéologues comme indice d'habitats passés, présence de biocénoses plus ou moins conservées par des éléments, des ruines de petit patrimoine rural, ouvrages hydrauliques (puits, sources captées, canaux d'irrigation, terrasses), ou grâce à des espèces introduites (châtaignier, noyer, etc.). Souvenir aussi d'usages relevant d'une histoire plus récente, comme les vergers, les vignes, les jardins, les champs actuellement abandonnés, et où la friche s'installe. Un cas à part, particulièrement marquant, est celui de l'ancienne carrière (dirais-je des anciennes carrières, pour ne pas oublier celle de Chanturgue ?).
- bien présentes, les activités humaines d’aujourd’hui : pratiques agricoles et d'élevage, pour ce qui en reste, circulation de véhicules motorisés, travaux d'intérêt cynégétique, présence de touristes et promeneurs, entretiens des sentiers engagés par la Métropole,...
- en progression, enfin, les changements globaux, anthropiques et non voulus : changement climatique, pesticides et « pluies acides », irruption inopinée d'exotiques (mélèze) voire d'espèces invasives (Renouée du Japon), déséquilibre de la faune, notamment par la disparition des grands carnivores (loups, ours), la progression des cervidés (chevreuil, pour l'instant) et sangliers, ) et l'arrivée de nouveaux animaux (chats harets, frelons asiatiques)...
- et enfin, toujours présente, la « natura naturans », la force du vivant, la dynamique des biocénoses, qui cherche sa place, dans ce réseau de contraintes anthropiques...
Et je voudrais que l'Association pour la Sauvegarde des Côtes de Clermont-Chanturgue, puisse :
- d'une part défendre le diagnostic que l'Association souhaite, entre celui de la natura naturata, ou celui d'une natura naturans, plus complexe (car il s'agit aussi d'observer les contraintes en action); il s'agit dans ce cas de bien poser l'énoncé du problème au Conservatoire des espaces naturels, pour qu'il soit, au moins, conscient des questions posées pour le plan de gestion dont il est chargé: à lui d'apprécier comment il peut y répondre./.
- ensuite, présenter cette question à nos responsables politiques, leur expliquer le choix auquel ils ont à faire face, et souhaiter qu'ils organisent le débat,
- et enfin, expliciter le parti qu'elle prend, dans des mesures de gestion, de « ménage des champs », aurait dit Olivier de Serres, d'accompagnement de la dynamique plus ou moins active : selon les biocénoses en place, les milieux dans lesquels elles sont présentes, et les objectifs retenus, comment accompagner, diriger, influencer cette dynamique de la nature férale?
Il va de soi qu'une fois ce parti retenu, élément complémentaire du projet de plan de gestion qui a déjà été élaboré, il restera à le faire connaître, à le faire partager, à le faire s'approprier par les usagers, par les populations voisines, par les citoyens et leurs élus.
Vaste programme!
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