Donner du sens à son épargne
Nés au siècle précédent, nous estimons généralement avoir donné un sens à notre vie que ce soit sur un plan professionnel, familial, associatif, … On rencontre même des gens heureux.
Mais avons-nous pensé à donner un sens à notre épargne ?
Son seul taux de rémunération est-il totalement satisfaisant ?
La télévision nous montre les tentatives désespérées de pauvres hères risquant leur vie au large de Lampedusa, sous les essieux des camions à Calais, dans des squats inflammables au coin de notre rue.
C'est TONTI, conseiller de Mazarin, qui a inventé la "tontine", le micro crédit sous la forme d'une assurance retraite.
Pour en profiter plus rapidement il devenait tentant d'éliminer des cotisants pour que la manne profite à un nombre plus réduit. Devenu pervers ce système fut abandonné. Le nom est resté comme exemple de micro crédit.
Muhammad YUNUS, brillant professeur d'économie formé par les universités américaines, de retour dans son pays, a remarqué que ses cours ne s'appliquaient pas à la situation réelle du Bengladesh. Il a "modernisé" la micro finance.
Il a brillamment démontré que la micro finance était un superbe levier pour le développement des plus démunis.
Muhammad YUNUS pense qu'un pauvre est comme un bonzaï qui n'a pas assez de terre pour se développer.
Un grand nombre d'ONG, désireuses de venir en aide, sollicitent nos dons. L'état nous y incite par le système de défiscalisation. C'est utile et généreux, mais nous perdons notre argent.
Par contre l'investissement direct dans la micro finance fait que notre argent est simplement "prêté" et qu'il nous sera rendu.
Et tant que nous l'y laisserons, il tournera en faisant en permanence une œuvre constructive auprès des plus défavorisés.
Si nos économies financent une activité apportant de la valeur ajoutée, le bénéficiaire sort doucement de la précarité pour se créer une stabilité, un avenir.
Ainsi au lieu de nous être à charge, il devient un partenaire, il produit, consomme, achète, vend.
Le nouvel entrepreneur devient un client et un fournisseur. Il nous achète sa machine, son tissu, ses intrants agricoles, il nous vend des pantalons, des fleurs, des sandales, du savon, …
Nous avons placé l'homme au centre de la relation financière.
De donateurs à fonds perdus, dans une démarche condescendante de "charité", nous sommes devenus des entrepreneurs, associés, tendus vers un même but, dans une relation égalitaire.
Nos quelques sous construisent en permanence un monde un tout petit peu plus juste, plus humain, plus égalitaire.
La micro finance s'adresse aux "imbancables", qui n'ont pas accès au système bancaire, soit parce qu'il n'existe pas, soit parce qu'ils n'offrent aucune garantie. Leur interlocuteur est l'usurier avec des taux de l'ordre de 15 à 20 % , par mois !
Elle s'adresse essentiellement à des groupes de femmes. Ce fut le coup de génie de Muhammad YUNUS, d'avoir imposé cette relation dans un pays musulman. Simplement parce que la femme dépensera ses premiers gains à nourrir, habiller, scolariser ses enfants, à aménager sa maison, pas à financer une mercedes. Dépensant ses gains dans son environnement proche, elle monétarise son village. Cercle éminemment vertueux initié par nos économies.
Elle n'est efficace que si elle ne traite que d'activités produisant de la valeur ajoutée, ne serait-ce que pour rembourser le prêt.
Ce qui exige un accompagnement précis et constant pour ne pas déclencher le processus funeste du surendettement.
En Haïti, FONKOZE, FONdation KOller ZEpaules, partenaire de OIKOCREDIT, donne à fonds perdus de quoi démarrer une petite activité, avant d'ouvrir un dossier de prêt. Leur site est simplement remarquable. On passe du "chemin lavi myo" (la vie meilleure) à "ti kredi".
Le rendement est faible, certes. La SIDI, filiale du CCFD, comité contre la faim et pour le développement, n'offre pas d'intérêt; OIKOCREDIT propose 2% brut. Le rendement n'est évidemment pas un critère de choix.
La micro finance est un produit "à risque" si on ne s'adresse pas à une structure de bon niveau et de surface importante. Le tremblement de terre à Haïti, suivi deux ans après d'une tornade ruinant toute l'agriculture, n'ont eu aucun impact sur Oikocredit au niveau mondial, qui, en plus, a réussi à faire passer à ce qui restait du réseau de Fonkoze deux millions de dollars en petites coupures deux mois après le tremblement de terre grâce à ses relations avec l'armée américaine.
L'investissement direct dans la micro finance constitue simplement une kolossale opportunité de participer, gratuitement, avec nos petites économies, à un monde un peu plus juste, un peu plus égalitaire. Ce n'est que par le développement des pays à faible indice de développement humain que nous éviterons d'avoir à nous cadenasser derrière des barrages de plus en plus sophistiqués, de plus en plus mortels.
Jean-Marie Garcin, membre de Oikocredit IFO
Pour en savoir plus:
- Muhammad YUNUS Vers un monde sans pauvreté, JC Lattes (également le livre de poche 7,10 euros), l'histoire de la Grameen Bank, écrit avec une grande chaleur humaine
- SIDI.fr
- OIKOCREDIT.fr
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