Ils n’y croient pas
L'enthousiasme provoqué par l'accord de Paris, en 2015, et auparavant la dynamique du Grenelle de l'environnement, en 2007, semblent bien loin aujourd'hui. L'attitude des pétroliers par exemple, qui continuent à explorer de nouveaux champs d'exploitation, ou celle des agriculteurs qui rejettent toute mesure contraignante, bien qu'ils soient le 2e secteur d'émission de gaz à effet de serre, témoigne de ce reflux des ambitions environnementales, malgré les nombreux avertissements que la nature nous procure chaque jour. Ils tiennent bien sûr un discours favorable à l'écologie - et encore pas tous - mais leurs pratiques disent l'inverse. Ils cherchent avant tout à reporter à plus tard les changements à opérer, en niant ainsi l'urgence dudit changement. L'argument est que la brutalité d’un changement de cap ne ferait que désorganiser le monde économique, avec deux conséquences : une pénurie, et une crise sociale du fait que les besoins exprimés (hérité des anciens modèles) ne seraient pas satisfaits ; les ressources nécessaires au changement, évaluées à des centaines de milliards d'euros, ne pourraient plus être levées.
L'observation des faits prouve le contraire. La recherche d'autres modes de production est source d'innovation. Des solutions originales naissent un peu partout, mais elles sont freinées par la rigidité des systèmes d'accompagnement et de contrôle hérités d'un ordre ancien. La difficulté du développement des énergies renouvelables dans notre pays illustre cet obstacle. Le réseau de transport et de distribution a été conçu pour un système fortement centralisé. Il faut l'adapter une production décentralisée. Les progrès extraordinaires en termes de performance et de coût de production sont ainsi pénalisés par les retards d’adaptation du réseau. Dans un autre domaine, l'agriculture s'est orientée au cours des dernières décennies vers des marchés internationaux, avec une spécialisation des exploitations, alors que l’agroécologie est plus adaptée à des circuits courts et une diversification des productions.
Ce sont donc des blocages d’ordre structurel qu’il faut lever, ce qui bouleverse l'ordre établi et provoque les résistances que nous observons qu'aujourd'hui. Des résistances qui trouvent un relai dans les cerveaux de nombreux décideurs, qui ne parviennent pas à imaginer d'autres organisations, d'autres modèles que ceux qu'ils ont connus jusqu'à aujourd'hui. Ils savent que les échéances approchent, mais ils ne peuvent pas y croire, ils continuent comme avant. Tous les secteurs d'activité ne sont pas concernés de la même manière, et certains évoluent, bien heureusement, comme le bâtiment, consommateur de nombreuses ressources et émetteur le gaz à effet de serre, qui a engagé sa transformation depuis longtemps.
Le changement doit aussi mobiliser les consommateurs. Les modes de vie sont concernés, et les nouvelles productions doivent trouver leurs débouchés auprès des consommateurs. La transformation de l'agriculture, par exemple, doit s'accompagner d'un changement dans les habitudes alimentaires. L'exigence touche aussi au logement, à la mobilité, à l'habillement etc. Les modèles culturels qui sous-tendent les modes de vie et la nature des consommations deviennent un enjeu déterminant pour le succès de ce qu'il est courant d'appeler aujourd'hui la transition. Ce sont des modèles attractifs qu'il faut diffuser, mais aussi des recettes qui montrent que le changement est à portée de main, et rendent crédibles les objectifs à atteindre pour le climat, la biodiversité, les ressources naturelles en général. Le bonheur en perspective, et non pas des contraintes sous la menace des catastrophes.
Edito du 29 mai 2024
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