Haro sur l'écologie
Le titre de mon précédent éditorial évoquait l'écologie occultée. J’avais hésité avec l'écologie oubliée. Dans les faits, elle n'est pas oubliée du tout. Mais pour le pire. Depuis les révoltes des agriculteurs du printemps dernier, renforcée par les reculs du Parlement européen sur le pacte vert, et par les résultats des élections du 9 juin, nous sommes entrés dans une phase de repli. Net repli des ambitions environnementales, relayé par différents acteurs économiques, ceux qui voudraient que rien ne change.
Bien sûr, les écologistes ont leur part de responsabilité, avec un discours culpabilisant et essentiellement défensif, éviter le pire au lieu d'ouvrir des perspectives attrayantes : Vendre à l'opinion publique l'espoir d'une nouvelle ère de prospérité, une prospérité d’un nouveau type, bien différente de celle portée par l'ancien monde. Espérons que le positionnement des écologistes évolue rapidement, au lieu de donner des arguments au camp des négationnistes de tous poils, qui voudraient conserver leurs modèles dont nous savons qu'ils nous mènent à l'impasse.
Nous voyons beaucoup de monde s'engager dans la brèche ouverte par les agriculteurs attachés à leur modèle productiviste, et élargie par le recul de l'écologie à l'échelle européenne. Nul doute que les partisans des énergies fossiles ne profitent de la situation pour remettre en question les avancées environnementales, parfois obtenues de haute lutte. Les écologistes n’ont plus le vent en poupe, c’est le moment d’accentuer cet avantage. Haro sur l’écologie et les écologistes, ces gêneurs qui empêchent de polluer en rond. La chasse est ouverte, sonnons l’hallali ! Le conflit sur la fin de de la vente des voitures thermiques neuves en 2035 en est une bonne illustration. Qui a à y gagner si ce n'est si ce ne sont les pétroliers ?
Haro, donc, sur la voiture électrique, et prolongeons la vie des voitures thermiques, celles qui brûlent du pétrole. Les constructeurs français semblaient décidés à se lancer dans cette nouvelle aventure, le plan stratégique de Renault se donnant même pour objectif de sortir du thermique avant 2030, 5 ans avant l’échéance fixée au niveau européen. C’était trop beau.
Le tassement que nous observons dans les ventes de voitures électriques en Europe offre l’occasion d’obtenir un répit pour la voiture de l’ancien monde. Le patron de Renault demande des « assouplissements » dans le choix de la date butoir de la fin des voitures thermiques neuves. Les adversaires de la voiture électrique se sentent forts, et ressortent tous leurs arguments sur les batteries, les métaux rares et les mines où des enfants sont exploités, etc. Ces questions sont sérieuses, mais l’émergence du nouveau système « voitures électriques » provoque l’obligation de leur trouver des réponses tout aussi sérieuses, tant techniques que humaines. Un mouvement largement engagé aujourd’hui. Un autre argument souvent répété est le prix de la voiture électrique.
Ce prix est en réalité la conséquence du choix stratégique des constructeurs européens. Ils ont privilégié les gros modèles, destiné à un public fortuné, le mieux placé pour franchir le pas. Un choix qui a sa logique commerciale, mais qui est loin d’être le plus pertinent pour l’environnement. Quelle que soit l’énergie utilisée, le petit modèle est toujours plus économe en ressources qu’un gros. Les petits modèles, plus économiques donc viendront plus tard. Les constructeurs peinent, d’ailleurs, à satisfaire la demande provoquée par le leasing social, la voiture électrique à 100€ par mois. La concurrence des petites voitures électriques chinoises complète cette ambiance de repli. L’image de la voiture électrique chère reste forte, une sorte de péché originel exploité par ses adversaires. Une image fausse, si l’on observe ce qui se passe en Chine, qui a pris le virage de l’électrique bien avant nous. Les petits modèles, courants là-bas, ne coutent pas plus chers que leurs équivalents thermiques. La baisse des prix de fabrication est une évolution industrielle logique, prévisible, et confirmée dans le cas présent. Le pari peut être pris sans risque que les voitures électriques européennes de 2035 ne seront pas plus chère que les thermiques équivalentes.
Retarder les échéances, c’est souvent aller vers le futur à reculons, c’est-à-dire dans les plus mauvaises conditions. Le risque de déclassement, souvent agité par les conservateurs, les nostalgiques du passé, est alors maximum. Les reculs sur l’environnement, ballons d’oxygène apparents sur le moment, se révèleront vite de lourds handicaps. Reculs hier en agriculture, demain dans l’industrie, l’environnement n’est pas oublié, il est pris en otage par tous ceux qui s’attachent au passé, au lieu d’inventer et de construire un avenir original.
Édito du 31 juillet 2024
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