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Le changement sympa

Le discours officiel semble bâti sur une ligne de conduite, « ne vous en faites pas, bonnes gens, rien ne va changer pour vous ». Hypothèse implicite : le changement n’est pas une bonne chose, évitons-le, la technologie va résoudre tous nos problèmes écologiques. Par exemple, pas question de toucher à la voiture, la transition sera juste un passage de la voiture thermique à la voiture électrique. Ce discours accrédite et même renforce l’idée que le changement serait douloureux. L’écologie à la française, c’est l’écologie sans le changement, ouf !

Adieu, donc, l’idée que le changement puisse être un bien, qu’il peut apporter immédiatement du bien-être. Il dérange, oui, mais ça vaut le coup ! Evidemment, il y a de mauvais exemples, les changements qui nous embêtent sans rien nous apporter. Le changement de système d’exploitation et les mises à jour sur notre ordinateur est un exemple facile. Un changement dont ne bénéficient qu’une frange infime d’informaticiens, mais qui n’apporte rien à la plupart des utilisateurs lambda. Il faut que les avantages du changement soient évidents et qu’ils se manifestent très vite.

Prenons l’exemple de l’alimentation, un tiers de notre empreinte écologique. Une empreinte que nous pouvons alléger demain en décidant de manger moins de viande et de produits laitiers. Certains militants n’hésitent pas à culpabiliser les amateurs de barbecue et autres carnivores. Est-ce la bonne manière de faire ? Préférons une formule plus conviviale et basée sur le plaisir de la bonne chère, qui consiste à vanter d’autres régimes alimentaires, d’en faire la promotion de manière qu’ils se substituent naturellement et sans douleur aux régimes carnés. Il y a un tas de moyens pour ça, à commencer par proposer des recettes imaginées par des chefs prestigieux. La cuisine est très présente, aujourd’hui, sur les écrans de télévision, et il semble qu’il y ait de nombreux chefs étoilés qui s’engagent pour la planète et font l’apologie des produits de leurs potagers. Profitons-en pour répandre à la fois l’envie de ces nouveaux plats, et donner les moyens de la satisfaire. La « planification écologique » consistera alors à harmoniser la communication qui accroitra la demande, la production et la distribution des produits correspondants, notamment des légumineuses, bonnes à tous égards : pour notre santé, notre pouvoir d’achat, les finances publiques, la sécurité sociale, et pour la terre où elles poussent. Il leur manque juste le prestige et de bonnes recettes à populariser. Voilà un changement qui n’aurait pas le goût de la restriction ou de la privation, et encore moins celui de la culpabilité, si ce n’est du péché de gourmandise. Un changement sympa !

Le succès que semble rencontrer le vélo en ville montre qu’il est possible de proposer un changement populaire, qui n’attendait qu’un signal pour se réaliser, avec bien sûr quelques investissements pour l’accompagner. Un investissement bien moins lourd que le moindre kilomètre d’autoroute. Le covoiturage s’est également développé rapidement dès que les outils numériques l’nt rendu plus facile. Ces changements n’affectent pas toute la population, mais ils sont significatifs, allègent immédiatement notre empreinte moyenne, et sont appréciés de ceux qui les ont adoptés. Ils montrent que d’autres réponses sont possibles face aux besoins de mobilité. Ajoutons, pour la voiture, la progression, trop lente d’ailleurs, de nouveaux types d’usage, tels que la voiture partagée, la location en libre-service, qui ne pèsent pas sur le budget de l’Etat et allègent les finances des utilisateurs. Des solutions qui ne concernent qu’une partie de la population, mais qui, cumulées, dessine un nouveau paysage de la mobilité, plus écologique, pus convivial, et plus économique. Là encore, le changement n’est pas synonyme de recul ou de privation, mais plutôt de modernité.

Alimentation et mobilité, les deux postes les plus pénalisant en matière d’effet de serre : Pas besoin d’attendre des transformations technologiques, ni d’investir des milliards, pour obtenir des gains immédiats et pour tout le monde, les humains et la planète. Tous ceux qui vous laissent entendre que le changement, c’est douloureux, favorisent de fait un attachement fatal au statuquo. Les progrès technologiques vont accompagner ces changements, les faciliter espérons-le, mais c’est dans les esprits que l’idée du changement sympa doit prospérer avant tout. Un réflexe pourrait y contribuer utilement. La recherche systématique de co-bénéfices. L’approche « en silo », si répandue en France, nous aveugle souvent, et nous empêche de voir des effets secondaires bénéfiques qui pourraient provenir d’une politique. Par exemple, dans le troisième domaine émetteur de gaz à effet de serre, le bâtiment, la rénovation thermique pure ne prend pas en charge les autres qualités attendues d’un logement, pour la santé et le confort de ses occupants. Une rénovation tous azimuts serait autrement plus attractive qu’une rénovation exclusivement énergétique. Transformons le changement « contrainte » en un changement « plaisir ». Le changement, c’est sympa !

Edito du 4 octobre 2023

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